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Le consentement : quand corps, cœur et esprit sont alignés

  • Zélie
  • 27 août
  • 9 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 2 heures

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La vie amoureuse est un lieu d’exercice de la liberté intérieure. Flavie Taisne, thérapeute de couple, sexothérapeute et auteur du livre éclairant Aimer de tout son corps (Eyrolles), répond à nos questions sur le consentement.



Zélie : Qu’est-ce que le consentement amoureux et sexuel ?


Flavie Taisne : C’est un exercice du discernement, dans un premier temps de façon intérieure. Il s’agit d’être à l’écoute de ce que l’on vit intérieurement : pensées, émotions et sensations. Dans un second temps, c’est l’expression d’un choix libre et conscient.


Par exemple, je peux vivre des émotions fortes sur le plan amoureux, mais percevoir, dans cette relation, quelque chose qui ne serait pas bon pour moi. La relation ne serait pas en cohérence avec ce que je veux vivre, l’aveuglement émotionnel m’empêcherait de consentir.


Pour pouvoir faire une expérience pleine et entière, librement consentie, il est important de vivre un alignement entre l’attirance physique, la vibration émotionnelle et la décision libre. Cela permet de poser un choix en conscience ! On peut choisir de poser une action, ou non. On se sent alors en harmonie avec ses choix.


Dans la vie de couple au quotidien, est-il possible de prendre ce temps de réflexion à chaque geste amoureux ?


J’aime bien l’image de la personne comme le commandant en chef d’un théâtre d’opérations. Les informateurs de terrain, ce sont les pensées, les sensations et les émotions. Elles apportent chacune leur intérêt spécifique - par exemple, dans une situation potentiellement dangereuse, ce que je me dis de la situation peut déclencher l’émotion de peur, qui va se manifester dans une sensation d’accélération du rythme cardiaque ; c’est alors mon discernement qui va évaluer si le danger est réel ou supposé et me permettre de poser un choix libre et éclairé !


Je vais récolter les informations, les traiter, mais ce ne sont que des informations : c’est moi qui vais prendre une décision. Ainsi, je reste maître du jeu et je gagne en liberté. C’est un entraînement régulier à effectuer, par une observation fréquente de ce que je pense, de ce que je ressens, de ce que je sens.


Les représentations que l’on a du couple et de la sexualité montrent une fluidité et une immédiateté dans la relation, basées sur l’élan pulsionnel ou émotionnel, mais il y a peu de manifestation du rôle du discernement - lieu du consentement. On peut sembler perdre cet espace de liberté. Pourtant, mieux vaut prendre le temps dont on a besoin. En effet, poser un geste engage la personne. On peut toujours faire machine arrière : « Attends, cela va trop vite pour moi », « Je ne suis pas sûr », « J’ai besoin d’un moment ».


Récemment, j’ai revu le film Pearl Harbor, dans lequel, au début, le héros vit un conflit intérieur face à sa petite amie. Les circonstances, ses sentiments et son désir pour elle le poussent à vouloir passer la nuit avec elle, mais il sent qu’ils ne sont peut-être pas prêts à cela. J’ai trouvé beau qu’il s’autorise ce discernement, preuve de l’exercice de sa liberté intérieure quel que soit son choix au final.


Donner son consentement - en se sentant libre de dire oui ou non -, n’est-ce pas aussi se respecter soi-même, et respecter l’autre ?


Pour moi, il n’y a pas d’amour véritable sans respect profond de la liberté. J’ai entendu un jour quelqu’un dire : « Nous avons déjà échangé nos consentements le jour de notre mariage » ; il ne s’agit pas, le jour du mariage, de dire oui à tout ! Il est vrai que le mariage est une alliance où les deux époux se donnent l’un à l’autre. Cependant, cette alliance a pour cœur la liberté et le respect de chaque conjoint. Nous choisissons chaque jour et chaque instant comment nous vivons notre amour.


Il est également important, comme je le souligne dans mon livre Aimer de tout son corps, de se défaire des injonctions et des normes extérieures. Se dire : « C’est important de faire tel acte dans un couple » ou « Il faut faire telle chose » n’est pas pertinent. Ce qui est important, c’est : « Est-ce que cela a du sens pour moi de poser cet acte ou d’accueillir cette proposition ici et maintenant ? Est-ce que cela fait grandir notre amour, dans le respect de ma liberté et de celle de l’autre ? »


Le principal moyen pour vivre un consentement plénier, c’est que chacun soit à l’écoute de ce qu’il vit intérieurement, et se sente en sécurité, pour être vraiment libre.


Certains couples, par exemple, s’embrassent amoureusement pour se dire bonjour ou au revoir. Si cela devient une habitude systématique, est-ce que cela ne nuirait pas au consentement ?


Ce n’est pas forcément mauvais d’avoir des rituels, mais il faut le faire en conscience. La liberté, ce n’est pas « faire ce que je veux », c’est-à-dire suivre mes pulsions et envies, mais choisir ce que je veux faire. Et donc pouvoir choisir de ne pas le faire !


Par ailleurs, j’ajoute que dans le couple, il paraît important de mettre de la présence et de la conscience dans les gestes que l’on choisit de poser. Regarder l’autre intentionnellement, par exemple. On peut s’entraîner à cela en essayant de respirer de manière consciente, de sentir chaque étape de l’inspiration et de l’expiration.


Des couples se donnent rendez-vous de manière régulière et fixée à l’avance pour vivre une union sexuelle. Là aussi, est-ce que cela n’entrave pas la liberté intérieure ?


Si cela nuit à la liberté de chacun, c’est que ce n’est pas le bon cadre. Pour certains couples, se donner rendez-vous est très profitable car cela les met dans une bonne dynamique ; s’ils sont dans une vraie liberté intérieure, ils se sentiront libres de dire oui ou non à l’autre. Parfois, au sein du couple, il y a un décalage car l’un des deux a moins de liberté intérieure. Dans la majorité des cas, j’observe que dans mon cabinet, les personnes disent à l’autre : « Si tu ne te sens pas libre, je ne veux pas vivre cette relation sexuelle. »


Les personnes n’ont pas toujours été éduquées à cette liberté dans toutes les relations. Par exemple, certaines personnes qui reçoivent un message pensent être obligées d’y répondre immédiatement. Or, elles sont libres de répondre plus tard, dans la mesure où elles se l’autorisent !


Dans les normes sociales et culturelles liées au couple, il peut y avoir la notion d’une vie sexuelle nécessairement régulière ou fréquente. Dans votre livre, vous expliquez qu’une longue période d’abstinence sexuelle n’est pas un problème, tant que cela convient aux deux membres du couple. Selon vous, y a-t-il cependant un moment où il faudrait consulter un professionnel ?


On peut aller consulter si cela fait souffrir l’un ou l’autre, si cela met le couple en difficulté. Ce n’est pas la même chose si une période d’abstinence est acceptée temporairement – cela peut arriver par exemple pendant une grossesse ou un post-partum -, ou si « on se résigne » à cela, et qu’il y a quelque chose qui n’est pas vraiment choisi.


Si l’une des personnes du couple ne va pas bien, par exemple si elle est en dépression légère, est-elle capable de donner un libre consentement ?


Un psychiatre pourrait répondre de manière plus précise. Mais je dirais qu’une personne en dépression ressent souvent un manque de volonté. Aussi, dans quelle mesure peut-elle donner un choix libre ? Plus généralement, quand on est dans une situation de vulnérabilité – deuil, dépression... -, on est moins en capacité d’exercer un discernement plein et entier.


Le principal est alors de s’écouter, avant de poser un geste : « Est-ce que je le sens, ou est-ce que je ne le sens pas ? » Je pense qu’il peut arriver que la personne « le sente bien », et trouve un réconfort affectif bénéfique dans cette intimité, dans le cadre d’une relation de confiance où règne la sécurité.


Comment éduquer les adolescents et les jeunes adultes au consentement ?


Une des priorités à faire, selon moi, est d’éduquer à la frustration. Aujourd’hui, nous ne sommes pas entraînés à cela. Respecter la liberté de l’autre, respecter son oui ou son non, signifie accepter de ressentir cette émotion de frustration. Pour le dire rapidement : « C’est OK d’être déçu ! » Et ce n’est pas dangereux. On doit être capable de ressentir cela sans exprimer violemment sa frustration. On peut y donner du sens, par un profond respect de la liberté de l’autre.


On peut également encourager l’adolescent à exprimer sa propre liberté, dans la vie de tous les jours. Par exemple, s’il nous dit : « Un tel m’a invité à faire telle chose, mais cela ne me plaît pas vraiment », on peut lui poser des questions : « Qu’est-ce qui ne te plaît pas ? » S’interroger sur lui-même va également mettre en lumière qu’il a le choix.


Je pense qu’« on a toujours le choix » ! En fait, si on fait telle chose, c’est qu’on a choisi telle valeur par rapport à telle autre. Par exemple, si on me dit : « Je dois aller à cet apéritif au travail, je n’ai pas le choix », je réponds : « Si tu le fais, c’est parce que tu accordes de l’importance à tes relations de travail, à l’image que tu veux donner dans ton environnement professionnel. » Pour avoir le choix, il est important de prendre conscience des options qui s’offrent à nous. Si ce choix a été pleinement consenti, on ne va pas vivre l’expérience de la même manière. C’est une gymnastique intérieure à faire sans cesse.


En France, la « majorité sexuelle » est fixée à 15 ans, c’est-à-dire que législateur considère qu’une personne de 15 ans ou plus est en mesure de donner un consentement amoureux et sexuel à une personne majeure - sauf à un adulte ayant autorité, comme un professeur. Selon vous, peut-on donner un consentement à 15 ans ?


Les études montrent que la maturité cognitive et émotionnelle atteint sa plénitude aux alentours de 22 ou 23 ans. Ce qui n’est pas simple, c’est que l’on a un corps d’adulte dès 14-16 ans, alors qu’on manque de discernement à cet âge-là. Cependant, on peut déjà entraîner son discernement, car si ce n’est pas le cas, on aura des difficultés à l’utiliser à l’âge adulte.


Je pense au film Les Quatre filles du Docteur March sorti en 1994 : quand Laurie fait sa déclaration à Jo et qu’elle le repousse, il l’embrasse. Je me souviens que mes enfants, qui avaient moins de 10 ans, ont été hyper choqués par ce « baiser volé ». Je me suis dit que c’était bon signe, et que la notion de consentement avait du sens pour eux. Éduquer à la liberté et au consentement commence dès l’enfance ! Propos recueillis par Solange Pinilla



Exercice : se connaître pour gagner en liberté intérieure


Se connecter à ses sensations, émotions et pensées n’est pas nécessairement inné. Dans Aimer de tout son corps, Flavie Taisne affirme que chaque personne a un centre d’intelligence naturellement plus accessible (tête, cœur ou corps) et que les deux autres dimensions peuvent nécessiter un travail pour y accéder.


Flavie propose un exercice pour mieux aligner tête, cœur et corps ; en voici un résumé.


Chaque jour, une fois, deux fois, dix fois si nécessaire, faites une pause d’au moins 7 secondes. Prenez conscience de votre corps, de vos appuis, de votre ancrage au sol.


• Prenez une inspiration profonde. Sentez l’air qui entre par vos narines. Observez votre cage thoracique qui se gonfle.


• Laissez l’air sortir par votre bouche en le sentant franchir vos lèvres.


• Observez les sensations physiques qui se manifestent à vous : gorge nouée, tension dans la nuque, fourmis dans les pieds...


• Par la suite, rattachez l’émotion liée à cette sensation.


• Enfin, laissez jaillir vos pensées pour percevoir quel événement a pu susciter cette émotion. S. P.



Consentement : ce que dit la loi


L’article 222 du Code pénal définit ceci : « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage. La contrainte peut être physique ou morale. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle. »


Le 18 juin 2025, le Sénat a adopté en première lecture une proposition de loi qui introduit dans la loi la notion de non-consentement de la victime. Le consentement devra être « libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable » ; il ne pourra « être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ». S. P.





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