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Roseline Hamel et Nassera Kermiche, une amitié extraordinaire

  • Zélie
  • 28 oct.
  • 4 min de lecture
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Qui aurait cru que la sœur d’un prêtre assassiné et la mère d’un terroriste impliqué dans l’attaque deviendraient amies ? Roseline, sœur du Père Jacques Hamel tué à Saint-Etienne-du-Rouvray le 26 juillet 2016, et Nassera, mère d’Adel Kermiche, un des deux djihadistes tués lors de l’assaut, ont pourtant vécu une rencontre hors norme.



Roseline Hamel, née en 1940, a toujours eu une relation forte avec son frère Jacques, de dix ans son aîné. Leurs parents étaient séparés, et Jacques était son soutien et son protecteur. Lorsque le 26 juillet 2016, elle apprend que son frère prêtre, chez lequel elle venait d’arriver la veille pour les vacances, vient d’être égorgé dans son église à la fin de la messe de 9 heures, elle est sous le choc. Elle hurle le prénom de ce grand frère chéri – elle a 75 ans, lui 85 ans - à s’en déchirer les poumons.


Dans Sœurs de douleur (XO éditions), le journaliste Samuel Lieven raconte le parcours de cette femme, mais aussi celui de Nassera Kermiche. Le jour de l’attentat à Saint-Etienne-du-Rouvray, celle-ci a 53 ans. Née en Algérie, elle est arrivée en Normandie avec ses parents à l’âge d’un an et c’est là qu’elle a grandi, s’est mariée et a eu cinq enfants – dont la plupart ont brillamment réussi, l’une est devenue chirurgienne.


Le 26 juillet, Nassera apprend le pire : son dernier, Adel, âgé de 19 ans, a participé à un attentat islamiste dans l’église de leur commune. Il est vrai qu’il avait séjourné en prison après un départ manqué par combattre en Syrie aux côtés de Daech, et que depuis environ un an et demi, ce jeune sensible mais psychiquement fragile s’était radicalisé au contact des réseaux sociaux, de personnes de la mosquée et de codétenus. Mais comment aurait-elle pu imaginer qu’il allait attaquer un prêtre et être tué lors de l’assaut des policiers ?


Ces deux femmes que tout semble séparer ont pourtant bien des points communs, comme le souligne Samuel Lieven dans son ouvrage à la lecture aussi passionnante qu’éprouvante. Elles habitent toutes les deux une banlieue populaire – Armentières près de Lille pour Roseline, Saint-Etienne-du-Rouvray pour Nassera -, ont épousé un chauffeur routier, fondé une famille nombreuse – quatre enfants chez Roseline, cinq pour Nassera – ou encore ont un métier au service des autres.


A la suite de la mort de son fils, Nassera a ressenti une vive souffrance. Elle raconte dans Sœurs de douleur : « Je ne me voyais pas comment gérer cette douleur toute seule. Il fallait que je demande pardon aux victimes et à la famille du père Hamel.  »


De son côté, après la perte tragique de son frère, Roseline était désespérée. Elle s’est demandée, en voyant une statue de Marie au pied de la croix de son fils, si la Vierge pourrait l’aider à marcher dans les pas de son frère. « Parce que toute seule, je n’y arriverai pas. C’est surhumain. »


Se demandant qui pouvait souffrir davantage qu’elle, elle s’est interrogée : « Si j’étais la maman du jeune homme qui a tué mon frère, quelle serait ma souffrance ? Si un de mes fils s’était perdu en chemin et avait commis un tel crime, ma douleur ne serait-elle pas plus grande encore ? Je me suis mise à la place de cette maman, Nassera Kermiche. Que faisais-je encore chez moi à me morfondre ? Je devais rencontrer cette femme et la décharger de son lourd manteau de culpabilité. »


Après plusieurs appels téléphoniques, les deux femmes se rencontrent chez Nassera, le 17 avril 2017. L’archevêque de Rouen, Mgr Lebrun, accompagne Roseline, car depuis le drame, ils ont noué un lien de confiance.


L’évêque raconte dans Sœurs de douleur : « Quand la porte s’ouvre, je laisse entrer Roseline qui tombe dans les bras de Mme Kermiche. Elles se serrent longuement, sans un mot. "Vous avez perdu votre frère, c’est injuste", lui dit Nassera. "Oui, mon frère est mort dans des conditions atroces, c’était mon frère, il était âgé, mais vous avez perdu votre fils et il était jeune." Je suis encore bouleversé par ce que j’ai vu. La rencontre de deux femmes, deux humanités dans leur chair. »


Roseline dira : « L’amitié que nous avons l’une pour l’autre nous permet aujourd’hui de tenir debout et d’avancer. » Elle va même se rendre sur la tombe d’Adel Kermiche et s’adresser à lui : « Un esprit maléfique a volé ton âme. Par mon pardon que je te témoigne, j’implore le père Hamel et ce Dieu d’Amour pour que ton âme d’enfant sensible et aimant te soit reconnue par lui. »


Ce propos n’est pas sans rappeler les dernières paroles du Père Hamel : « Va-t-en, Satan ! », rien de moins qu’un exorcisme pour libérer l’assassin de l’emprise du malin.


Ce geste est une lueur d’espérance, tout comme la rencontre providentielle de deux femmes de paix. Solange Pinilla




Photo © Bruno Levy/Photo12

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