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Myriam de Lafforest : « Je vais chercher le mouvement »


Photo > Fusion © Myriam de Lafforest


Cet article est extrait de Zélie n°91 - Janvier 2024, "Le corps en mouvement"



Dans ses sculptures, Myriam de Lafforest laisse le mouvement émerger entre ses mains. Art-thérapeute, elle témoigne de la puissance du mouvement pour retrouver la vie.



« Je suis devenue sculpteur grâce à la Providence, raconte Myriam de Lafforest. Je viens d’une famille d’artistes. Ayant une formation de psychologue, je suis arrivée à Barcelone, en Espagne. » Par ailleurs, Myriam a fait 11 ans de conservatoire de musique et dessine au fusain.


Un jour, cette mère de trois enfants prend un bloc de terre et commence à modeler un visage. « La terre est devenue mon medium pour exprimer ma vision de la vie ! » Elle se forme alors auprès du sculpteur catalan Salvador Mañosa. Après l’étape initiale de la terre, ses œuvres sont réalisées en bronze.


Myriam voit avant tout la sculpture, qu’elle pratique depuis 25 ans, comme un moyen de se connecter à ses émotions : « Je laisse mes mains dire ce que je ne sais pas, comme dit Jung, explique-t-elle. C’est comme si une partie de nous-même savait plus que nous-même, et nous guidait vers là où nous allons ». Pour elle, l’œuvre permet aussi un dialogue intérieur pour celui qui la contemple.


Après avoir réalisé des sculptures de femmes dans l’introspection, l’artiste est passée à une série de corps féminins en suspension, qui s’accrochent à un cercle : « Je voulais un bronze, non pas qui pèse, mais qui est dans l’espace. En montrant la légèreté de l’être, on peut exprimer notre incarnation entre terre et ciel. On peut flotter, voir les choses d’en haut. Il y a une légèreté heureuse quand on arrive à être dans quelque chose de très pur, et de ne pas s’enfermer, par exemple, dans un rôle qui nous empêche d’exister au monde. Nous avons besoin de nous libérer de beaucoup de choses, pour ressentir l’essence de l’être. »


Certaines personnes voient dans ces figures des danseuses ou des acrobates, mais pour Myriam, chacun voit ce qu’il veut.


Le mouvement est au centre de ses œuvres. « Il n’y a pas de sculpture sans mouvement. Il n’y a pas non plus d’expression spirituelle sans corps en mouvement : attraction, ascension... » Myriam aime beaucoup le mouvement d’attraction vers le ciel.


On pourrait penser qu’il est difficile d’exprimer un mouvement par une sculpture qui est, par définition, immobile. « En fait, la terre est un matériau qui n’est pas rigide, mais très léger, détaille l’artiste. Je ne mets pas d’armature avant, sinon ce serait un mouvement fixe. Je vais plutôt chercher le mouvement, en fonction de l’émotion. Je masse ma sculpture, comme le ferait un kinésithérapeute. Tous les membres sont en harmonie pour exprimer cette émotion. »


Mais quand elle est guidée par le mental plutôt que le mouvement des mains, c’est un échec : « Si je vais chercher dans ma raison pour faire un déhanché, cela ne marche pas, je casse tout au bout de 6 mois. »


En cherchant le mouvement, qui est vie, elle exprime aussi le risque : « Ces corps sont accrochés aux cercles, mais ne tombent pas ! »


Myriam a choisi de faire une sculpture figurative : « J’ai une passion pour l’humain. Quand je fais du sport, j’observe les corps. Je ne pourrais pas passer à l’abstraction. Je respecte les proportions et je suis le mouvement naturel des muscles. Le corps humain est logique ! »


Cependant, elle ne cherche pas le réalisme absolu : « Je ne vais pas dans les détails, comme les doigts de pied par exemple. Je ne fais pas non plus le squelette. Et mes sculptures ont une texture chabottée, un peu brute. »


Dans l’œuvre intitulée Attraction, la femme a les hanches courbées. « L’attraction vient du plexus solaire, ou de la zone ombilicale. Je commence toujours mes sculptures par les hanches ou le bassin. »


Que dit le mouvement du corps ? « Beaucoup de choses », répond Myriam. « Notamment quand la personne est bloquée, fermée, si le corps et rigide, la mâchoire serrée... Les émotions s’expriment par le visage, et aussi par le corps. L’école psychologique de la Gestalt associe beaucoup le comportement physique et le psychique, mais pour moi, c’est trop catégoriser les choses. En revanche, avec la danse-thérapie, on voit que le mouvement corporel libère. »


Myriam, qui est psychologue, propose aussi un accompagnement par l’art-thérapie, avec la peinture et la sculpture. Grâce à la sculpture, « chaque personne écrit un livre à travers la terre, des mouvements, des visages ».


Elle se rappelle une femme qu’elle a accompagnée, touchée par une dépression chronique et ayant déjà fait des tentatives de suicide. « A travers la terre, elle a découvert le pourquoi de cette dépression. La dépression, c’est le corps qui se fait mort. Dans le corps en mouvement qu’elle modelait, elle se projetait. L’énergie vitale est revenue chez cette femme à travers cela. Si on a envie de bouger, on met la sculpture en mouvement, et inversement... Quand on modèle l’œuvre, on se modèle soi-même. »


Cette femme, qui au début ne sortait pas de son appartement, a commencé à aller au marché, voir une amie, ou dans la bergerie de Myriam dans la montagne catalane... Elle fait maintenant des marches en montagne et a baissé les doses d’antidépresseurs, avec l’accord de son médecin.


Cette invitation au mouvement, Myriam la transmet aussi au public à travers ses expositions : à Bruxelles de janvier à mai 2024, à Ypres en Belgique, dans sa galerie permanente à Anvers, à Paris en mai et juin 2024... « La terre est un guide. La sculpture me devance dans le temps : je comprendrai dans un an ce qu’elle voulait dire » Avec le mouvement, nous allons au-delà de nous-mêmes. Solange Pinilla


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