Parler de l’argent à son enfant
Transmettre à son enfant un juste rapport à l’argent peut passer par des actions concrètes, mais aussi des discussions sur la richesse et la pauvreté.
« Maman, Papa, est-ce que je pourrais avoir de l’argent de poche ? ». C’est souvent ainsi que s’amorce un dialogue sur le rôle de l’argent. En effet, faire de ce sujet un tabou est un écueil à éviter, tout comme en parler très fréquemment en famille. Mieux vaut retenir l’adage : « L’argent est un bon serviteur et un mauvais maître ».
Avec l’enfant à partir de 6 ou 7 ans, on peut d’abord évoquer l’utilité des finances. En effet, celles-ci servent « à subvenir aux besoins primaires (se nourrir, se loger, s’habiller), à se faire plaisir (vacances, extra, cadeaux) et aider à aider ceux qui n’en ont pas, ou moins, rappelle la journaliste Olivia de Fournas dans Le guide des parents chrétiens (Mame). Il faut bien insister sur ce dernier point. L’argent est ainsi associé aux autres, pas seulement à ses propres besoins. »
Alors, pour ou contre l’argent de poche ? C’est aux parents de décider, notamment en fonction de la maturité de l’enfant et du constat qu’il comprend le juste rapport à l’argent.
Certains parents donnent de l’argent de poche – de préférence ni trop, ni trop tôt : par exemple, un euro par semaine ou par mois à 8 ou 10 ans – afin d’aider l’enfant à acquérir la conscience de la valeur des choses. Il va apprendre à « mettre de côté » sa pièce hebdomadaire ou mensuelle dans sa tirelire, pour pouvoir un jour s’offrir le jeu dont il rêvait (accompagné par les parents), offrir des cadeaux à ses frères et sœurs, ou encore donner à un SDF dans la rue.
D’autres parents considèrent que « l’argent ne tombe pas du ciel, mais se gagne ». L’enfant comprend que c’est principalement grâce au travail de ses parents qu’il se nourrit et reçoit des cadeaux, par exemple. Il peut d’ailleurs mieux intégrer le fait que la nourriture a un coût, en achetant lui-même le pain à la boulangerie.
Quelques années plus tard, il a la possibilité de gagner un peu d’argent, en effectuant un service important pour ses parents, comme un travail de jardinage. Mais attention, il faut « bien faire la distinction entre la participation gratuite de l’enfant à la vie communautaire (mettre le couvert) et un service que les adultes devraient faire mais qu’ils lui délèguent (nettoyer la voiture) », précise Olivia de Fournas. De même, l’adolescent peut être rémunéré s’il garde ses petits frères et sœurs, à partir de 15 ans environ, ou des enfants en babysitting – l’âge minimum légal est de 16 ans pour faire du babysitting, ou 14 ans en cas d’accord parental.
Lui apprendre à gérer son argent avant qu’il ne quitte la maison pour ses études est une étape nécessaire, en revenant sur les notions de budget, d’épargne et de découvert, et par exemple en lui demandant de faire les courses avec un budget défini ensemble.
En vue d’un bon discernement par rapport à l’argent – notamment celui qu’il peut recevoir pour Noël ou un anniversaire -, les parents amènent l’enfant à faire part de ses besoins, et de ses désirs. « Désirer faire ou avoir quelque chose, c’est la preuve qu’on est vivant ! expliquent la psychologue Bernadette Lemoine et Diane de Bodman dans le livre Trouver les mots qui font grandir pour les aider à s’épanouir (Albin Michel). Et cela nous met en mouvement ! Les désirs se manifestent parfois avec force et sans limite : dès qu’un de nos désirs est satisfait, d’autres arrivent. C’est comme cela pour chacun d’entre nous et c’est normal ! »
Parler de cela avec l’enfant permet d’accueillir ces désirs puis de discerner ce qu’il va en faire ; l’aider à gérer sa frustration et lui dire qu’il peut être heureux, même s’il doit attendre avant d’avoir l’objet de son désir – ou ne pas l’obtenir du tout –, est l’une des options.
Pour des dépenses perspicaces, voici quelques pistes : l’aiguiller pour acheter au juste prix (pour l’alimentation, regarder le prix au kilo notamment), lui apprendre à ne pas céder aux « arnaques » et autres publicités mensongères, tout comme l’aider à tenir un carnet de comptes.
Plus largement, avec un enfant d’une dizaine d’années ou plus, on peut expliquer comment fonctionne un budget familial : le salaire, les dépenses, les revenus et les priorités de chaque famille... Si l’enfant envie une autre famille qui a un niveau de vie plus élevé, on peut entendre sa jalousie – qui peut cacher un manque ou un besoin plus profond, de liberté ou d’aventure par exemple –, mais aussi l’aider à rendre grâce pour ce qu’il a déjà, par la gratitude pratiquée lors de la prière familiale ou pendant les repas.
Par ailleurs, le fait de fréquenter des personnes de différents milieux sociaux l’aidera à prendre conscience de sa propre chance. On peut aussi évoquer la gestion économique d’un pays : les impôts, la croissance, le chômage, le congé maternité...
Pour éduquer l’enfant au partage et lui parler de la pauvreté matérielle, on peut lui expliquer que cette personne qui mendie a sans doute perdu son travail et souvent son logement et qu’elle ne peut plus gagner d’argent. Un sourire est plus essentiel qu’une pièce, mais les deux comptent. Autre proposition de Bernadette Lemoine, celle de dire à son enfant : « J’ai l’intention d’envoyer de l’argent pour les victimes du tremblement de terre. Si tu le désires, tu peux y ajouter un peu de ton argent de poche. » L’idée est de montrer là encore que l’argent n’est pas une fin en soi, mais un moyen au service de la dignité des personnes.
Donner à lire le Docat – résumé en questions-réponses de la Doctrine sociale de l’Église (voir ci-dessous) à un adolescent - de 14 ans et plus - permet d’aller encore plus loin dans la réflexion. Solange Pinilla
L’argent et la richesse selon l’enseignement de l’Eglise
« L’argent n’est ni bon ni mauvais. L’argent est un moyen d’échange, une référence ; une réserve pour l’avenir ; un moyen pour soutenir ce qui est bien, ou sauvegarder du mal.
L’argent ne doit jamais devenir une fin en soi. Jésus dit clairement : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et le Mammon » (Mt 6, 24). L’argent peut devenir une idole et une addiction. Celui qui court avec cupidité derrière l’argent, deviendra bientôt l’esclave de sa convoitise. » (Docat, question 175)
« Là où les chrétiens prennent l’Évangile au sérieux, il y a toujours aussi une part de renoncement volontaire de richesse matérielle : c’est le souhait de servir Dieu avec un cœur libre. » (Docat, question 165)
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