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Béatrice Roche Gardies, peintre du bonheur



À travers ses paysages et ses autres œuvres aux couleurs douces et chaudes, Béatrice Roche Gardies peint des moments de vie et de nature. Pour celle qui a failli mourir au moins une fois, la vie est précieuse, et il est important « d’apprendre à savourer les moments heureux ».



« J'ai dessiné avant de parler », raconte Béatrice Roche Gardies. Après le bac et un an de prépa, elle entre aux Arts décoratifs à Paris, avec le souhait de devenir designer. Puis elle se marie et devient mère de 6 enfants, au gré de nombreux déménagements.


« Même si j’ai beaucoup aimé être présente pour mes enfants, je sentais que ma vocation n’était pas entièrement accomplie », explique-t-elle. à la suite d’un emménagement à Lucé, près de Chartres, elle s’inscrit à un concours de gravure de la Fondation Taylor.


« Le vice-président de cette institution était Philippe Lejeune, qui avait formé des peintres dont j’aimais la façon de peindre sur le vif, c’est-à-dire en face du modèle. J’ai donc rejoint son atelier, l’école d’Etampes, pendant 7 ans à raison de trois jours par semaine ».


Cette élève de Philippe Lejeune fait de la peinture son métier. « La première œuvre que j’ai vendue, c’était à la Foire aux peintres de Saint-Cast en Bretagne : un tableau qui représentait deux petits garçons en train de pêcher des lançons. »


Quand Béatrice Roche Gardies sort ses pinceaux, c’est le plus souvent pour réaliser une huile sur toile. « Cette technique, qui s’apprend en atelier, est presque un artisanat, assez technique, avec des additifs et des effets de matière et de transparence. Il faut savoir dessiner, composer, avoir le sens de la couleur, savoir regarder aussi. »


Elle aime peindre des paysages : « C’est un moment de contemplation, qui fait résonner la joie dans le cœur. » Quant aux portraits, elle y voit d’abord « une rencontre avec la personne, qui accepte de se laisser regarder ». « Avec un enfant, c’est facile, mais avec un adulte, c’est plus difficile, car il doit se détendre. Nous parlons. »


Les grands espaces attirent Béatrice. « Au début, c’était la Beauce, et ses champs de blé ou de colza. Et puis j’ai eu l’opportunité de peindre au bord de la mer : le ciel, les couleurs changeantes d’une heure à l’autre, un nuage qui passe... »


Béatrice a sa propre manière de travailler. Elle met 18 couleurs pures sur sa palette, quel que soit le tableau, puis elle réalise des mélanges avec son couteau à palette, avec trois couleurs maximum - sans compter le noir et le blanc. « Le cerveau qui peint est celui qui ne raisonne pas. Quand on peint "sur le motif", on joue sans partition. »


Egalement peintre des armées, l’artiste est spécialisée dans l’armée de l’Air et de l’Espace. Elle est fascinée par l’aviation : « J’ai un frère, un beau-frère et un fils pilotes. J’ai souvent rêvé que je savais voler. » Béatrice explique que l’école d’étampes était un vivier de peintres aux armées : « Ils savent peindre vite et juste. Ce sont les successeurs des peintres des batailles, qui travaillaient sur place ». Pour Béatrice, dont le père était résistant, le service de la France est important, même si elle compte peu de militaires dans sa famille.


Tout en ne souhaitant pas réduire son œuvre à un style particulier, Béatrice souligne que sa peinture est parfois impressionniste, quand elle est faite sur le motif, sans photo. Lorsqu’elle travaille d’après des photos, elle est davantage « réaliste ».


L’artiste se nourrit de ses peintres préférés que sont Monet et Corot, mais aussi des femmes qui ont voué leur vie à la peinture : Elisabeth Vigée-Lebrun, Camille Claudel, Niki de Saint Phalle, Mary Cassatt ou encore Rosa Bonheur. « Elles n’ont pas lâché, alors que peindre, en soi... cela ne sert à rien ! »


Peindre sur le vif dessine un rapport au temps assez unique. « Un tableau n’est pas le reflet d’un instant, comme une photo, mais d’un laps de temps. Bien sûr, mieux vaut que la lumière vienne du même côté – par exemple je peins sur deux matinées. Mais pendant que je suis debout derrière mon chevalet, la marée monte, les nuages passent. Certains objets du tableau étaient là un moment, et d’autres objets, à un autre moment ! »


Un exemple ? La toile Le printemps à Lucé, qui est sur l’affiche de l’exposition « Jeux de couleurs » à la galerie Icare à Saint-Cloud jusqu’au 14 septembre 2024 (en photo ci-dessous). « Dans mon jardin, il y a un cerisier à fleurs blanches, détaille Béatrice. Des haies dessinent des ombres à partir de 15 ou 16 heures. Je me suis dit : demain, je peins mon cerisier à cette heure-là. Le lendemain, je prends de gros pinceaux, je peins vite en posant les tons, les lumières, les couleurs. Les roses dans le massif sont à moitié à l’ombre, à moitié au soleil. Je n’ai pas fait les branches sombres, ni les petites fleurs du cerisier. J’ai su que continuer ne serait pas bon. C’était bien ainsi. »




Dans les paysages de l’artiste, aux couleurs souvent chaudes et douces, on peut percevoir un certain bonheur d’être en vie. Béatrice Roche Gardies confie non sans gravité : « La vie, ce n’est pas facile. Les moments heureux, il faut les savourer, s’en nourrir pour le reste du temps. J’essaie d’apprendre cela à mes enfants : il ne faut pas penser que ce sera mieux plus tard, ni que c’était mieux avant. »


Un jour, Béatrice s’est étouffée avec un petit morceau de viande. « Je me suis évanouie. Avant de perdre conscience, j’ai pensé : "Mon Dieu, je laisse mes enfants et mes tableaux". Mon fils, qui avait suivi une formation aux premiers secours, m’a sauvée ! Cette année-là également, un de nos enfants s’est fait agresser et a failli mourir. Et quatre de nos cinq fils ont eu ensemble un grave accident de voiture. J’ai réalisé que la vie est tellement courte et précieuse ! Tant que l’on n’a pas vécu cela dans sa chair, cette conscience reste purement intellectuelle. »


Parfois, le temps suspend son vol : « C’est le cas quand je peins dehors, qu’il fait beau, sans trop de vent, sans stress. Ces moments de temps suspendu, il faut les favoriser ! »


La foi chrétienne joue aussi un rôle important dans la vie de la quinquagénaire. « Avant d’être peintre, je ne faisais pas le lien entre ma vie de foi, d’artiste, d’épouse... La peinture m’a permis d’unifier ces parties de ma vie. Après la naissance de mon sixième enfant – où j’ai compris que nous n’en aurions peut-être pas 12, finalement -, j’ai écouté des conférences de Simone Pacot, auteur de Reviens à la vie. Elles m’ont fait réfléchir sur la cohérence intérieure dans ma vie, pour en faire quelque chose de vrai et de juste. »


Désireuse de transmettre, Béatrice Roche Gardies organise des stages de peinture : « Quand on a beaucoup reçu, il faut beaucoup donner : partager des moments suspendus, favoriser des amitiés. » Ainsi, du 27 au 30 août 2024 dans le Limousin, elle organise un stage de peinture « A la lumière de Maurice Denis », « avec chaque soir, une conférence sur un tableau de ce peintre, dont Philippe Lejeune a été l’élève ». Un autre projet s’esquisse pour Béatrice : la création de vitraux pour une église en banlieue parisienne. Encore un peu de beauté dans cette vie fragile et belle. Solange Pinilla


Pour en savoir plus > rochegardies.com


Lire le reste de Zélie n°97 - Eté 2024 sur le thème de "Savourer la vie"



Photos Portrait © Barbara Loupet - Huile © Béatrice Roche Gardies, Printemps à Lucé

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