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Rena de Chateauvieux, cofondatrice de Misericordia



L'histoire de Rena n’est pas commune. Brésilienne, elle a grandi à Salvador de Bahia, dans l’une des favelas les plus pauvres de la ville. Son père était alcoolique et battait sa mère. « Un soir, alors que mon père était particulièrement ivre, jusqu’à en perdre la tête, ma mère a choisi de s’enfuir avec nous, en peine nuit », raconte-t-elle dans l’ouvrage co-signé avec son mari, Romain de Chateauvieux, Misericordia. La révolution de la tendresse (éditions Première Partie). Rena a souffert de la faim et vécu dans un quartier marqué par la violence, la drogue et la prostitution.


A l’âge de 17 ans, elle trouve chez elle une Bible et lit le récit de la Passion du Christ. « C’était la première fois que je découvrais le visage de ce Dieu capable d’un amour tellement grand, se souvient-elle. Il m’aimait, moi, pauvre fille de favela. Alors que je me sentais enveloppée d’une façon si puissante par son amour, mon cœur a tressailli d’un désir indomptable : celui de l’aimer en retour. Ce désir de me conformer à l’amour de Dieu a transformé ma vie. »


Elle s’est rendue à la paroisse locale et a intégré une communauté missionnaire qui s’y trouvait, la communauté Bernadette, où elle est restée six ans. C’est là qu’elle a rencontré Romain, venu consacrer du temps à la mission au milieu de ses études d’architecture. Ils sont tombés amoureux, mais sans se le dire. Ce n’est qu’un an et demi plus tard, quand Romain est revenu au Brésil, qu’ils se sont rendu compte que l’autre ne voulait pas forcément devenir prêtre ou religieuse... « Nous avons pris ensemble la décision de fonder une famille au service du Christ, de l’Église et des plus pauvres », raconte Romain dans le livre.


Après leur mariage, une mission avec Fidesco au service des immigrés latino-américains aux États-Unis, puis trois ans de mission itinérante dans seize pays du continent américain - qu’ils ont racontée dans le livre Mission Tepeyac -, ils ont posé leurs valises en 2013 à Santiago du Chili.


C’est là qu’ils ont fondé Misericordia, une « œuvre de compassion et d’évangélisation ». Dans le livre Misericordia, ils racontent cette aventure, avec l’installation du centre et de l’église dans le quartier défavorisé de la Pincoya. Visites aux personnes du quartier, adoration et mission marquent le quotidien de cette œuvre.


Depuis, quatre missions de Misericordia ont été ouvertes : à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis (France), à Buenos Aires en Argentine et à New York aux États-Unis.


Au milieu de ce développement, Rena et Romain habitent toujours à la Pincoya, avec leurs six enfants. Ils accompagnent missionnaires, volontaires et salariés de l’association, ainsi que les « Cénacles », des groupes de Misericordia réunis chaque semaine autour de la Parole de Dieu. Les couples à la tête des missions en France, en Argentine et aux Etats-Unis ont un suivi aussi régulièrement avec Rena et Romain.


Rena nous raconte une journée-type : « Nous ne levons à 6 heures, nous préparons les enfants et prenons le petit-déjeuner. Sur le chemin de l’école, nous disons le chapelet. À l’école, nous avons la messe tous ensemble. Romain et moi vivons les laudes et une heure d’adoration avec les missionnaires. Les matinées sont plutôt dédiées aux projets en lien avec la santé alors que les après-midis sont consacrées aux enfants et leurs familles par le biais du Centre Éducatif de Misericordia. À 15 heures, nous disons le chapelet de la Miséricorde divine. Certains soirs de la semaine, nous avons d’autres activités comme les Cénacles les mardis ou encore une veillée d’adoration les vendredis...  »


Rena et son mari sont à la tête d’une famille nombreuse : Théophane, Silouane, Juan Diego, Esteban, Pier Giorgio et Teresa sont, comme ils le disent, « leur plus belle mission » ! Des prénoms qui sont ceux de saints sous la protection desquels les enfants ont été placés. « Chaque prénom a été un cadeau du Bon Dieu pour un enfant précis, selon le contexte de la grossesse », nous confie Rena.


Éduquer ses enfants dans un quartier marqué par la violence n’est pas anodin. « Nous faisons attention à ce qu’ils puissent grandir "bien dans leurs baskets", dans leur vie spirituelle, et en tant qu’hommes. Dans le contexte de la Pincoya où nous vivons, nous sommes vigilants sur les personnes qu’ils côtoient. Misericordia est un appel que nous, parents, avons reçu, mais pas nos enfants... Pour l’instant, ils nous suivent et sont heureux de la vie que nous avons. C’est aussi une éducation enracinée dans le réel, le concret. Ils voient qu’il y a vraiment des gens pauvres, abîmés par la drogue ou qui ont besoin d’aide. »


Cette vie missionnaire si particulière fait la joie de Rena : « Je sens que cela remplit mon cœur et donne du sens à ma vie ! J’ai l’impression que je suis née pour cela : être auprès des pauvres, parler du Bon Dieu et de sa miséricorde. »


Cette joie est plus grande que les difficultés qui surviennent, telles que l’incapacité à faire davantage, alors qu’on aimerait agir plus. « Nous devons aussi respecter jusqu’au bout la liberté de l’autre : si la personne ne veut pas, on ne pourra pas aller plus loin. Il est difficile de voir que l’autre continue à être prisonnier de sa souffrance, de son addiction... A ces moments-là, je me sens plus proche du cœur de Dieu, tellement blessé par nos péchés et notre refus de le laisser faire ce qui est bon pour nous. Ce qui est particulièrement dur, c’est quand une personne a fait quelques pas, mais qu’elle retombe plus durement... »


Un des projets de Romain et Rena est d’édifier une ferme de réhabilitation au Chili, à la campagne, pour accueillir des personnes touchées par des problèmes d’addiction, avec pour piliers la prière, la vie fraternelle et le travail de la terre. « Nous avons le désir d’être attentifs à la voix du Bon Dieu », souligne Rena. Solange Pinilla


Une rencontre avec le pape


Le 25 janvier 2023, Rena, son mari et leurs enfants ont pu rencontrer le pape François, qui les avait beaucoup inspirés par son amour de la miséricorde. « Nous avons assisté à l’audience générale, raconte Rena. A la fin, au moment de saluer le pape et d’échanger quelques mots en espagnol, Romain lui montre notre livre et ose lui demander : "Est-ce qu’il serait possible de vous voir un petit peu plus ?" Le pape répond : "Revenez à 15 heures à la maison Sainte-Marthe". Nous avons donc pu voir le pape deux fois !


L’après-midi, nous avons été touchés par la simplicité de François. Cette rencontre a été pleine de tendresse, de proximité. Le pape a posé beaucoup de questions aux enfants. Nous lui avons demandé de nous donner un message pour les personnes de Misericordia, et il a accepté ! Rencontrer le pape a été pour nous rencontrer la simplicité de Dieu incarnée dans le cœur de l’Eglise. »


Questionnaire de Proust revisité


Une saveur de votre enfance ?

La nourriture brésilienne : ces plats qui sont préparés dans ma région dans le Nordeste du Brésil ! Mais aussi les fruits tropicaux. Mes préférés : la mangue et le coco !


Une qualité que vous avez ?

J’aime bien chanter, louer le Seigneur et entraîner les gens avec moi dans cette joie. Dans la mission, la louange est toujours un moment qui me rend heureuse : faire que les gens puissent goûter la joie du Ciel à travers les chants et la louange !


Un de vos défauts ?

Je suis impatiente et souvent trop exigeante.


Une femme qui vous inspire ?

Sainte Teresa d’Avila, j’aime sa force et sa radicalité !


Un moment de qualité en couple ?

Prendre le petit déjeuner juste tous les deux, sans les enfants !


Un lieu magnifique vu en Amérique lors de votre « mission Tepeyac » ?

La Basilique de Notre Dame de Guadalupe au Mexique !


Un livre qui vous a marquée ?

Je veux voir Dieu, du Père Marie-Eugène et La force du silence du Cardinal Sarah.


Une résolution pour le Carême ?

Faire plus de silence, essayer que tout mon temps soit rempli de la présence de Dieu, que ce soit dans la prière ou dans les autres activités de ma journée.


Une phrase de la Bible qui vous touche ?

Il y en a tellement ! Je vous partage une de celles qui m’aident à vivre chaque jour ma vie d’épouse, de mère et de missionnaire : « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40).


Un conseil pour ne pas avoir peur de la mission ?

C’est une aventure extraordinaire ; une fois que l’on y goûte, tu ne veux plus t’arrêter !




(Photo © Misericordia)


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