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« Montons à la montagne du Seigneur ! »


L’une des collines de Jérusalem : le Mont des Oliviers. © Philippe Lissac/Godong



Proche du ciel, la montagne est dans la Bible un lieu où l’on rencontre le Seigneur. La colline de Sion est le lieu du Temple ; elle préfigure ainsi la Jérusalem céleste.



Menacé par l’épouse du roi Acab, Jézabel, le prophète Elie s’enfuit dans le désert jusqu’au Mont Horeb : « Le Seigneur dit : "Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer. "À l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ; et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère. Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne » (1 R 19, 11-13).


Il y a quelques années déjà, nous avions abordé le rôle des symboles dans la Bible (voir Zélie n°40, avril 2019). Nous avions alors pris l’exemple de l’eau omniprésente dans l’écriture Sainte. Il est un autre symbole tout aussi remarquable : la montagne.


Dans de nombreuses cultures, l’inaccessibilité, la hauteur et la proximité du ciel font de la montagne un lieu divinisé, comme Tepeyollotl (« Cœur de la montagne »), le Dieu aztèque, ou abritant des divinités, comme l’Olympe grec plus connu. La relation à Dieu se mérite, l’escalade est un sport difficile, voire dangereux. Jésus lui-même montera à Jérusalem et gravira le Golgotha portant sa croix.


La Bible s’inscrit dans cette tradition universelle : la montagne est le lieu de la présence de Dieu, ou tout du moins de sa proximité.


Dès la Genèse, l’auteur sacré y voit le lieu de la protection divine : avant la destruction de Sodome, deux anges pressent Loth de se mettre à l’abri hors de la ville. Il leur dit : « Debout ! Prends ta femme et tes deux filles qui se trouvent ici, et va-t’en, de peur que tu ne périsses à cause des crimes de cette ville ». Comme il s’attardait, ces hommes le saisirent par la main, ainsi que sa femme et ses deux filles, parce que le Seigneur voulait l’épargner. Ils le firent sortir et le conduisirent hors de la ville. Une fois sortis, ils dirent : « Sauve-toi si tu tiens à la vie ! Ne regarde pas en arrière, ne t’arrête nulle part dans cette région, sauve-toi dans la montagne, si tu ne veux pas périr ! » (Gn 19, 15-17). C’est également sur une montagne que Dieu éprouve la foi d’Abraham, lui demandant d’offrir son fils en holocauste (Gn 22, 1-19).


Dans le livre de l’Exode, Dieu se révèle également à Moïse sur une montagne. L’épisode du buisson ardent où Dieu envoie Moïse en mission auprès du peuple hébreu en Egypte, mais également se présente à lui sous le nom de « JE SUIS » - nom par lequel Jésus se fait connaître lui-même par quatre fois dans l’évangile de Jean (Jn 8, 24.28.58 ; 13,19) -, prend place sur la montagne de l’Horeb, également présentée comme la montagne de Dieu (Ex 3,1).


L’Horeb se situe dans le massif du Sinaï à l’est de l’Egypte. Le Mont Sinaï est-il le Mont Horeb ? Les avis des géographes bibliques divergent. Quoi qu’il en soit, le Mont Sinaï est emblématique. Il est le lieu où Dieu accorde à Moïse de contempler sa gloire : « "Sois prêt pour demain et monte dès le matin sur la montagne du Sinaï. Tu te placeras là pour moi, au sommet de la montagne. Que personne ne monte avec toi ; que personne même ne paraisse sur toute la montagne. Que même le petit et le gros bétail ne soient pas conduits au pâturage devant cette montagne". Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer là, auprès de Moïse. Il proclama son nom qui est : LE SEIGNEUR. » (Ex 34,2-3.5).


C’est aussi sur cette montagne que Moïse reçoit alors les dix commandements, ou plus exactement les dix paroles de Dieu qui, dans le prolongement même de la libération d’Egypte du peuple hébreu, nous libèrent de l’esclavage du péché en nous recentrant sur l’amour de Dieu et du prochain.


Ces dix paroles sont à mettre en relation avec les Béatitudes du sermon sur la Montagne que nous rapporte saint Matthieu (Mt 5,1-12), véritable chemin de bonheur que nous offre Jésus. Encore une montagne ? Oui. Concrètement, il est plus simple de s’adresser à une foule en se plaçant en hauteur, mais il faut bien entendu regarder le côté symbolique du lieu, d’autant plus que le sommet où nous situons ce passage important de la vie publique de Jésus se trouve à 25 mètres en dessous du niveau de la mer.


Le relief de la Palestine culmine en effet à 1030 mètres au Mont Nabis Yunis, mais détient surtout le record du point le plus bas du monde, à 420 mètres en dessous du niveau de la mer, dans la vallée du Jourdain, à proximité de la mer Morte.


C’est pourtant une montagne que Jésus va déplacer en prenant la parole ce jour-là : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5,17). Pas moins de trois chapitres de l’Evangile de Matthieu sont consacrés à ce long discours où Jésus explique, complète, corrige : « Vous avez appris qu’il a été dit... Eh bien ! Moi, je vous dis... » ou encore conseille : « Quand tu fais l’aumône... Quand tu jeûnes... ». Plus encore, Jésus nous y apprend à prier, nous offrant la prière fondamentale du chrétien, le « Notre Père ».


Si la montagne est pour Jésus le lieu privilégié de son intimité avec son Père (Mc 6,46, par exemple), elle est également le lieu de l’initiation à la Passion du Christ pour Pierre, Jacques et Jean, par le Père lui-même: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » (Mt 17,5) C’est la Transfiguration. Jésus apparaît à ses trois amis dans sa gloire, s’entretenant avec Moïse et élie. Du haut de cette montagne, traditionnellement le mont Thabor, une porte s’ouvre sur le Ciel.


Une autre montagne est assurément emblématique : le mont Sion, conquis par David, et où se trouve aujourd’hui encore son tombeau. Le roi Salomon, son fils, y construira le Temple, selon les directives de Dieu lui-même, pour abriter l’Arche d’Alliance. « Il arrivera dans les derniers jours que la montagne de la Maison du Seigneur se tiendra plus haut que les monts, s’élèvera au-dessus des collines. Vers elle afflueront toutes les nations et viendront des peuples nombreux. Ils diront : "Venez ! Montons à la montagne du Seigneur, à la Maison du Dieu de Jacob ! Qu’il nous enseigne ses chemins, et nous irons par ses sentiers." Oui, la loi sortira de Sion, et de Jérusalem, la parole du Seigneur » (Is 25, 2-3).


Sion est, à l’origine, une colline de Jérusalem. Symboliquement, ce nom est aujourd’hui attribué à la ville même. « Ainsi parle le Seigneur : Je suis revenu vers Sion, et je fixerai ma demeure au milieu de Jérusalem. Jérusalem s’appellera : "Ville de la loyauté", et la montagne du Seigneur de l’univers : "Montagne sainte" » (Za 8,3).


Cependant, Sion préfigure la Jérusalem céleste : « Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des myriades d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous, et vers les esprits des justes amenés à la perfection » (He 12, 22-23).


Pour nous, le sommet de cette montagne sainte est symbole d’espérance. Nous devons encore la gravir à la suite de Jésus avec l’aide que nous offre l’Esprit-Saint. Cependant, nous croyons ! Forts de cette foi qui nous habite, nous pouvons vaincre les obstacles qui se dressent sur notre chemin : « Ayez foi en Dieu. Amen, je vous le dis : quiconque dira à cette montagne : "Enlève-toi de là, et va te jeter dans la mer", s’il ne doute pas dans son cœur, mais s’il croit que ce qu’il dit arrivera, cela lui sera accordé ! » (Mc 11, 11-25) Gaëlle de Frias, théologienne



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