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Le rire qui libère



Riez-vous souvent, ou bien le stress et les responsabilités ont-elles fait passer votre rire aux oubliettes ? Si le rire est universel et bénéfique, c’est parce qu’il est une ressource pour nous détendre, communiquer et remettre les choses à leur juste place.



« Deux œufs sont dans une poêle. Le premier dit : - Qu’est-ce qu’il fait chaud ici ! L’autre se retourne et crie : - Ah ?! Un œuf qui parle ! » En lisant cette histoire drôle racontée par le psychanalyste Daniel Sibony dans Le sens du rire et de l’humour (Odile Jacob), pourquoi rit-on ? On perçoit un vide de sens, souligné ensuite par un excès de sens ; c’est cette situation absurde qui fait rire.


Le rire jaillit sans qu’on le veuille, il nous échappe sans qu’on l’ait analysé. Il est inné, et, à bien y réfléchir, nous avons ri avant de savoir parler ! « Tout comme pleurer, crier, chanter, c’est un acte sonore qui demande de l’énergie et sollicite le diaphragme », expliquent Joëlle Cuvilliez et Martine Medjber-Leignel, animatrices d’un club de rire en région parisienne et auteurs de 50 exercices de rire (Eyrolles). Le rire est dans le présent et la disponibilité. Aimez-vous votre rire ?


En fait, le rire et l’humour sont deux choses différentes : l’humour est mental et culturel ; tandis que le rire est organique, naturel et universel. L’humour peut provoquer le rire, mais il n’est pas forcément bienveillant et peut s’exercer aux dépens des autres (voir aussi notre article sur le rire dans la Bible, Zélie n°59, pages 4 et 5).


Le rire libère - imaginez-vous en train de rire aux éclats ! -, car il détend le corps grâce aux secousses vibratoires qu’il provoque, et aux endorphines qu’il diffuse. Il peut même guérir de maladies, comme le racontent les auteurs de 50 exercices de rire : « Norman Cousins, rédacteur en chef du Saturday Review, dans son ouvrage Comment je me suis soigné par le rire, a découvert que rire dix minutes lui permettait de ne pas éprouver de douleur pendant deux heures alors qu’il était atteint d’une spondylarthrite ankylosante qui avait touché sa colonne vertébrale et ses articulations. Il a décidé de s’enfermer avec des films drôles, de lâcher ses médicaments et de s’adonner au rire jusqu’à sa guérison. » La présence de clowns dans des établissements de santé témoigne aussi de l’aspect thérapeutique du rire (lire aussi dans Zélie n°30, « Christine, clown à l’hôpital »).


Le rire permet aussi d’être soi, sans calcul. Divers facteurs peuvent amener à réduire notre rire : une éducation trop feutrée, où rire en public, dans la rue, à table ou dans une salle d’attente « ne se fait pas » ; la peur du regard des autres ; ou encore le poids des responsabilités et des soucis, qui fait oublier de rire. Rire demande de s’arrêter un instant, de prendre le temps de plaisanter avec des amis ou de regarder un bon film comique.


Avant de nous demander comment retrouver ou entretenir notre âme d’enfant, propice au rire et à la légèreté, penchons-nous sur ce qui provoque le rire. Selon la formule du philosophe Henri Bergson, le rire serait « du mécanique plaqué sur du vivant ». Par exemple, un homme qui glisse sur une peau de banane et tombe suscite le rire du spectateur. Charlie Chaplin, qui devient quasiment un automate, dans le film muet Les Temps modernes, illustre aussi cet aspect répétitif. Le comique de répétition est d’ailleurs l’une des six catégories du registre comique, avec les comiques de situation, de mots, de geste, de caractère et de mœurs.


Pour Daniel Sibony, dans l’humour, l’homme est plutôt « en proie à un symptôme : on essaie de l’y déloger, il s’y remet – de façon automatique ; et de la même façon, il essaie d’en sortir ». Comme dans l’histoire drôle suivante qu’il cite : « Le foot, le foot, tu ne penses qu’à ça, se plaint une épouse anglaise. Je parie que tu ne pourrais même pas me dire quel jour on s’est mariés. - Si, je pourrais, dit l’homme : c’était le jour où Arsenal a marqué cinq buts contre Chelsea. »


Plus largement, selon cet auteur, les histoires drôles touchent aux questions d’identité : « on redéfinit les mots, les gestes, les personnes ; on casse leur identité pour feindre de la réparer ». C’est en réalité un « entrechoc ou événement entre deux niveaux d’être, de pensée, d’expression » ; par exemple, un choc entre le conscient et l’inconscient, le visible et le refoulé. Il est vrai qu’avec l’humour, on évoque des sujets – la mort, la sexualité, la religion... – que l’on n’oserait pas évoquer aussi librement le reste du temps. Là encore, l’humour peut libérer la parole. Encore faut-il le faire dans les limites du respect des personnes – d’où la fameuse question : « Peut-on rire de tout ? ».


Pour retrouver un rire peut-être un peu enfoui en soi, on peut essayer de se souvenir de ce qui nous faisait rire dans notre enfance. Joëlle Cuvilliez et Martine Medjber-Leignel proposent de s’interroger : quelles sont les dernières farces que nous avons faites ? Par exemple pour le 1er avril, ou bien au téléphone avec des amis ? Mettons de l’insouciance dans notre vie : chantons sous la douche avec une voix aiguë comme la Castafiore, ou bien chatouillons nos proches – après leur avoir demandé s’ils sont d’accord, bien sûr.


Un rire salutaire est celui de l’autodérision. Rire de soi permet de ne pas s’épuiser à porter un masque social trop grave, mais aussi d’éviter de se prendre excessivement au sérieux, écrasant ainsi les autres et les épuisant par notre susceptibilité. Les auteurs de 50 exercices de rire proposent de lister quelques-uns de nos défauts et de nos qualités, puis d’en rire ! Cela permet de les dédramatiser, et également de nous rendre plus accessible aux autres.


Prenons le temps de fêter – même les petites joies, les petites réussites, les petites victoires –, de partager des jeux de société, de jouer avec les enfants - nos maîtres en rire bien souvent -, de mimer ou encore de dire des virelangues (« Cinq chiens chassent six chats », « Jésus chez Zachée et Zachée chez Jésus »...).


Dieu a-t-il de l’humour ? Dans Humour et vérité se rencontrent (éditions Emmanuel), le Père Pierre Trevet explique : « En Dieu, il n’y a pas le registre psychologique. Il n’y a que le registre métaphysique : il est l’Être même. Donc il n’y a pour lui ni surprise, ni distanciation, puisqu’il surplombe tout simultanément dans sa transcendance, tout en étant en même temps présent à tout, par l’immanence de l’être même qu’il communique aux autres pour qu’ils existent. Ainsi, il ne peut y avoir d’humour en Dieu, mais la béatitude toujours actuelle et infinie. »


En revanche, dans la personne du Christ vrai Dieu et vrai homme, l’humour peut s’exprimer. De nombreuses phrases de Jésus, que nous avons sans doute entendues cent fois, sont en fait très amusantes : « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent (...). Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage » (Mt 6, 16). N’est-ce pas un humour assez théâtral que de souligner l’air souffreteux des pharisiens jeûnant, et de proposer à la place de se mettre sur son trente-et-un ? En bref, dans l’ascèse et la pénitence, soyons discrets !


Même chose pour la charité : « Quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi », conseille Jésus (Mt 6, 2). Est-ce que nous nous imaginons avec un trompettiste quand nous donnons une pièce à un SDF ? Avec cette image pleine d’exagération, Jésus était sûr de marquer son auditoire, comme le souligne le Père Pierre Trevet.


Outre de nombreux saints pleins d’humour, tels que saint Alphonse-Marie de Liguori ou saint Jean XXIII pour les plus connus, on peut citer aussi des bienheureux qui, du haut du Ciel, ne manquent pas d’espièglerie. Ainsi, des religieuses avaient demandé à saint Joseph un cheval dont elles avaient besoin pour les travaux des champs. Afin d’exprimer leur demande, une sœur avait dessiné un cheval sur une feuille, mais n’avait pas eu la place de dessiner la queue. Un fermier arrive quelques jours plus tard ; il n’a plus besoin de son cheval et veut le leur donner : « Il est très robuste ; par contre, il y a longtemps, il a eu un accident, et il n’a plus de queue ! »


Alors, même si les mesures sanitaires, les masques et les gestes barrière ont réduit les possibilités de se réunir, sourire, rire et s’embrasser, à nous d’être inventifs ! Par exemple, écrivons des cartes de vœux rigolotes à nos proches. Car la sagesse de Jean de La Bruyère nous le rappelle : « Il faut rire avant d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri ». Solange Pinilla


Le rire dans le couple


« Je t’imite lorsque tu viens d’apprendre une nouvelle incroyable » ; « Je t’imite dans la situation : tu as une heure devant toi pour en faire ce que tu veux » ; « Je t’imite au réveil avant d’aller travailler »... Jeux de mimes ? Presque : il s’agit de défis des cartes de la Boîte de Comm’ du Couple, créée par Maud Jan-Ailleret et Marie de Camas. Aller à la rencontre de l’autre, augmenter l’empathie pour son conjoint, comprendre comment il nous perçoit et ce qu’il en montre – toujours cette question d’identité qu’évoquait plus haut Daniel Sibony –, dédramatiser les petits travers de l’autre et de la relation, rire ensemble... Tout cela est bénéfique pour chacun et pour le couple. Cela permet aussi de suspendre le temps dans des vies souvent bien chargées.


En libérant des endorphines, le rire suscite une détente et une intimité... D’où l’importance de l’humour dans la séduction, corroboré par des études scientifiques. L’adage explicite « Femme qui rit, femme à moitié dans ton lit » comporte une part de vérité.


A deux, on peut danser, regarder les sketches d’un humoriste que l’on apprécie ou un film avec Louis de Funès, s’écrire des petits mots, porter un vêtement inattendu... Humour et amour riment assurément ! S. P.


Lire d'autres articles de Zélie n°59 - Janvier 2021


Crédit photo Andrea Piacquadio/Pexels.com CC



Humour et foi se rencontrent !


Prêtre du diocèse du Puy-en-Velay, le Père Pierre Trevet livre des histoires pétillantes, vraies ou fictives, qui font rire, réfléchir, et entrevoir Celui qui est la Vérité.


Les plus humbles


Une dame dit sa profonde admiration à un père jésuite :

— Vous êtes très supérieurs aux pères dominicains.

Le père enchaîne :

— Et pourtant, nous prions les uns pour les autres... Mais les dominicains doivent prier beaucoup mieux que nous.


Imparable logique des enfants


Un évêque est en visite pastorale. Pour l’occasion, on a réuni les enfants du caté de toutes les petites paroisses du secteur. Le père évêque entame un dialogue avec ces enfants âgés de huit à onze ans. À un moment donné, il leur demande:

— Qui va à la messe le dimanche ?

Aucun enfant ne lève la main. Alors le père évêque continue :

— Pourquoi n’allez-vous pas à la messe le dimanche ?

Un petit se risque :

— Parce qu’il n’y a que des vieux.

Pour ne pas en rester sur cette note négative, Monseigneur sollicite leur ingéniosité:

— Que faudrait-il faire pour qu’il n’y ait pas que des vieux ?

Une réponse jaillit :

— Il faudrait leur interdire d’entrer. (...)


Quête


Au cours de la célébration d’un mariage, le panier de la quête circule dans les rangs. Les fidèles se le transmettent de l’un à l’autre. L’un d’eux a la surprise d’entendre son voisin visiblement pas familier de la liturgie, lui demander, une fois le panier passé devant eux :

— Combien tu as eu, toi ?


Mystère d’amour


On ne peut comprendre un peu le mystère de l’eucharistie que par le grand angle de l’amour. Jésus dit : « Qui mange mon corps et boit mon sang a la vie éternelle » (Jn 6, 56). N’avons-nous jamais entendu une jeune maman penchée sur son bébé dire : « Je t’aime tellement que je te mangerais » ? Magnifique expression d’amour, de désir de communion. Une de ces mamans dont les quatre enfants ont tous passé l’adolescence dit avec humour : « On dit cela quand ils sont bébés et quand ils ont quinze ans, on regrette de ne pas l’avoir fait ! »


Priorité à l’autre


Deux touristes, qui se promènent sans armes dans la brousse, voient tout à coup venir à leur rencontre un lion en quête d’un bon repas.

L’un des deux ouvre immédiatement son sac et commence à chausser ses baskets.

— Tu es fou, lui dit l’autre, tu ne penses tout de même pas que tu vas courir plus vite que le lion ?

Et le premier, tout en nouant ses lacets :

— Bien sûr que non, mais je voudrais courir plus vite que toi.


Un égoïste et un égocentrique sommeillent en chacun de nous.

Il faut bien toute une vie pour apprendre à aimer.


Plus jamais de télégramme


(...) Deux jeunes protestants doivent se marier. Quand c’est possible, les deux pasteurs participent à la cérémonie, celui de la paroisse du garçon et celui de la paroisse de la fille. Mais voilà que le jour de la cérémonie, le pasteur du fiancé ne peut se déplacer. Un peu ennuyé, il se décide néanmoins à envoyer un télégramme au pasteur de la fiancée, qui s’occupera de la bénédiction des époux. Dans la prière, le Seigneur lui montre un passage biblique : « L’amour parfait bannit la crainte... » (1 Jn 4, 18).


Comme le coût d’un télégramme est fonction du nombre de mots écrits, il décide, pour éviter d’alourdir inutilement les faibles finances paroissiales, de n’envoyer que les références du verset, soit : « 1 Jean 4, 18 ». Seulement voilà, le préposé, à la poste, oublie de mettre le 1 devant Jean, et la première épître de Jean se transforme soudainement en évangile de Jean, selon la notation officielle de la Bible...


Du côté du pasteur de la fiancée, le temps manque et il ne prend pas le temps de lire, juste avant la cérémonie, ledit verset, pensant que son collègue avait, de toute façon, été certainement bien inspiré... La cérémonie débute par: « Mon cher frère qui allez vous marier, je viens de recevoir un télégramme d’exhortation de la part de votre pasteur. J’ai préféré attendre avec vous le plaisir de le découvrir. Votre pasteur nous conseille de lire Jean 4, 18. Ouvrons donc la parole de Dieu à Jean 4, 18 : “C’est vrai, tu as eu cinq maris et celui qui est avec toi, n’est pas ton mari”. » Stupéfaction et fou rire général dans le temple...


Appellation non contrôlée


Le père Charles B. préside à Yssingeaux la messe de Noël. Il encense l’autel. Une catéchiste entend alors cette réflexion d’un enfant probablement un peu distrait qui vient d’apercevoir le prêtre en train de descendre les deux marches devant l’autel, avec l’encensoir collé contre lui :

— Regarde, le sac à main de monsieur le curé brûle !


Extraits de Humour et vérité se rencontrent. Petites blagues et autres histoires d’un curé de campagne du Père Pierre Trevet © Éditions Emmanuel, pages 75, 48, 137, 55, 128, 61, 167.


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