top of page

Céleste Besnard : « Danser pour habiter son corps »



Cet article est extrait de Zélie n°91 - Janvier 2024 "Le corps en mouvement"



Professeur de danse contemporaine et animatrice d’ateliers de danse périnatale, Céleste Besnard voit dans le mouvement une façon d’affiner sa connaissance du corps et de s’exprimer artistiquement.



Peut-on croire que c’est un hasard quand on s’appelle Céleste et que l’on enseigne la danse, discipline où l’on est parfois entre le sol et le ciel ?


En tout cas, c’est dès l’âge de 6 ans que Céleste commence la danse contemporaine. « Je me rappelle du premier cours que je suis allée regarder, donné par Frédérique Laillet-Bernard à Accordanse à Saint-Germain-en-Laye, raconte Céleste Besnard. Elle a beaucoup influencé ma perception de mon corps et ma passion pour la danse. »


Céleste suit alors des cours réguliers de danse contemporaine : « J’apprécie la fraîcheur de celle-ci, et son ouverture à la proposition des enfants. Quant à la danse classique, elle propose un panel technique très exigeant et intéressant au niveau de la performance ».


Petit rappel historique de Céleste : la danse contemporaine et la danse classique diffèrent notamment par leur contexte historique. « La danse classique est née dans un objectif d’élévation, avec la sensation de défier le jeu de la gravité, à partir de Louis XIV et dans tous les ballets du XIXe siècle ; on le voit notamment dans l’exploit de monter sur pointes, sur l’extrémité du chausson de danse. Dans les années 1900, il y a eu le désir d’explorer d’autres sortes de mouvements, d’enlever les pointes et les corsets ; c’est l’apparition de la danse moderne et de la danse jazz. »


Elle poursuit : « À titre personnel, je pense que la danse classique ne correspond pas à tous les corps, ni à tout ce que l’on souhaite exprimer. La danse contemporaine, dont on a commencé à parler dans les années 1950, part du désir de faire autrement, et parfois cela peut devenir un peu n’importe quoi, comme danser nu d’une manière qui ne valorise pas la personne humaine... Mais c’est aussi une richesse, car on peut faire ce qu’on veut du mouvement. »


La danse contemporaine utilise les six positions des pieds de la danse classique, et les positions des bras, mais avec une certaine liberté à côté. « On a vu les premiers changements avec la danse modern jazz, qui a une rythmique très forte et un centre de gravité très bas et au sol. La femme n’est alors plus seulement une petite fée qui s’envole ! »


Pour revenir à Céleste, la jeune fille, en grandissant, a le souhait d’aider les autres et se projette dans un métier tel que pédiatre, psychologue ou ostéopathe. Finalement, après le baccalauréat, elle fait une prépa droit-économie à Paris. « C’était passionnant, mais j’ai peu dansé, et j’en ai beaucoup souffert. Puis j’ai fait une troisième année de licence en humanités à Nanterre, et le rythme de la fac m’a permis de reprendre la danse à fond. »


Céleste va alors deux à trois fois par semaine au cours de danse contemporaine de la technique Martha Graham, et fait aussi de la danse classique. « Je ne m’étais presque jamais dit que je ferais de la danse ma profession, mais je m’étais promis d’y consacrer au moins 6 mois de ma vie à plein temps. Je suis donc allée étudier à l’école de danse Graham à New York, de septembre 2017 à janvier 2018. »


La technique Graham est particulière : « C’est une danse très dure pour le corps, mais très féminine, car inspirée du "mouvement du centre", c’est-à-dire de la puissance qui vient du plancher pelvien (des muscles qui soutiennent les organes du bassin, ndlr). C’est ce mouvement primitif qui va faire bouger et danser le reste du corps. Cette danse américaine était avant-gardiste dans les années 1930-1940. »


Dans cette école, Céleste acquiert notamment une grande finesse dans l’analyse du corps : « La danse nous met face à la façon dont on se tient, et face à la façon dont notre vécu a façonné notre corps. Par exemple, si on prend le mouvement par les épaules, on va être crispé du haut, et l’on n’arrivera pas à respirer... »


En rentrant de cette expérience new-yorkaise, elle souhaite devenir professeur de danse. Elle prépare donc l’examen d’entrée du diplôme d’État de danse. « Il se fait normalement en trois ans, je l’ai fait en cinq ans car j’ai eu une fille en 2021. On apprend l’anatomie du mouvement, l’histoire de la danse, la musique, la pédagogie, ou encore la protection contre les blessures, immédiates ou à l’usure. »


Depuis son retour de l’étranger, Céleste a commencé à donner des cours de danse dans l’école de son enfance à Saint-Germain-en-Laye, et a suivi une formation à l’association Irène Poppart, qui transmet la pédagogie qu’utilisait déjà sa professeur de danse d’enfance, Frédérique Laillet-Bernard.


Céleste se penche alors sur le lien entre danse et grossesse. « Lorsque j’attendais mon premier enfant – le deuxième est actuellement en route -, j’ai trouvé que l’on n’était pas vraiment accompagnée, en danse, dans la spécificité du corps féminin. à la fin de ma grossesse, je n’allais plus danser, par lassitude d’un mouvement qui n’était plus adapté à ma condition de femme enceinte. M’est restée l’envie de faire danser les femmes enceintes dans leur spécificité. »


Céleste suit donc une formation avec une danseuse, Ingrid Bizaguet, qui a fait des recherches avec une sage-femme, afin de revoir certains préjugés tels que « Les danseuses accouchent mal car elles ont le périnée serré », et qui propose des ateliers de danse prénatale et postnatale pour les professeurs de danse et les sage-femmes. Cette formation sur « Danse et périnée » et « Danse et naissance » a confirmé ses intuitions. Elle a lancé ses propres ateliers de danse périnatale, « Studio Céleste », à la rentrée 2023, dans le Val-d’Oise, à Pontoise, Magny-en-Vexin et Trie-Château.





Lors de son atelier avec les femmes enceintes, toutes sont sur un tapis en cercle. Elles commencent par 5 à 10 minutes de respiration, afin de conscientiser le mouvement des organes de la respiration, de passer du mouvement intérieur à un mouvement global, puis un espace extérieur agrandi.


« Puis nous passons à une position allongée sur le côté, puis à quatre pattes, et debout. Nous dansons librement à partir d’un mot en lien avec la maternité, à partir des lettres duquel je tire un verbe d’action, comme "apporter" ou "naviguer" ». L’objectif est d’aider la femme enceinte à être consciente de ce qui se passe dans son corps quand elle bouge, permettant ainsi d’avancer dans la compréhension de ce qui arrivera quand elle va accoucher. « L’idée est de se mettre en capacité de ressentir sa puissance d’agir. »


La danse et le mouvement jouent un grand rôle dans la vie de Céleste : « Pour les danseurs, leur outil, c’est leur corps, avec lequel ils vivent toute la journée. Cela m’a permis de connaître mon corps de manière plus fine, et d’en faire un allié au quotidien. Par exemple, je sens si mon muscle est allongé, si, à un moment où je marche dans la rue, je sens un déséquilibre de gauche à droite, ou une lourdeur dans le périnée... »


Pendant la danse, on sent de nombreuses parties de son corps : « Si je transfère le poids d’une jambe à l’autre, puis si je tends une jambe, fais un rond de jambe, un battement cloche... On fait tellement de mouvements différents, qu’on développe les capteurs sensori-moteurs dans toutes les articulations ! »


Bien sûr, danser est aussi pour la jeune femme un langage expressif et artistique : « La danse a quelque chose d’enivrant. Elle donne la possibilité de dire les choses différemment d’avec les mots, dans un lien avec le temps et l’espace inouï, dans une vie incarnée différemment. J’aime beaucoup les mouvements de jaillissement, d’ouverture vers le ciel, de tournoiement, de pirouette, d’énergie concentrique, d’explosion de joie à partager aux autres ! »


Pour exprimer de la colère, Céleste dessinerait d’autres gestes : « J’en aurais honte, donc je cacherais mon visage, ce serait un mouvement proche du sol, caverneux, enfoui, roulé, des gestes pas très habités par la joie que j’ai en général ». Elle ajoute : « Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’on danse souvent la danse des autres, de nos professeurs de danse par exemple, on devient donc l’interprète de quelqu’un ».


Le fait d’être soi-même son outil de travail comporte un écueil, celui de vouloir la perfectionner sans cesse davantage et donc de tomber dans le désamour de soi. « Pendant toutes mes études de danse, j’ai eu un regard sévère envers moi-même, avec une perte de confiance en moi. Cela pose aussi la question de l’objectif : devenir meilleure, est-ce lever la jambe plus haut, ou habiter sa danse ? »


Céleste voit le corps en mouvement comme un cadeau : « La danse permet de profiter de ce que Dieu nous a donné d’être incarnés. J’aimerais faire le master en théologie du corps à l’Institut de Théologie du corps ! J’admire les possibilités physiques, la finesse de fonctionnement entre le corps et l’esprit, qui atteint son apogée dans la danse. Celle-ci est un moyen d’expression extraordinaire ! » Danser sa vie semble une invitation libératrice. Solange Pinilla



Photos © Céleste qui danse


Derniers articles
bottom of page