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Préparer des funérailles chrétiennes




Par l'abbé Vincent Pinilla, Fraternité Saint Thomas Becket


Il y a quelques mois, un prêtre nous confiait apprécier particulièrement l’évangélisation en milieu hospitalier : il y décelait la puissance du mystère pascal. De fait, là où le corps est le plus faible, là se manifeste fortement la lumière du Christ. Là où apparaît le plus le tragique de la condition humaine marquée par le péché originel, là aussi se révèle la fécondité de la foi. « Le cancer a guéri mon âme » affirma Carlotta Nobile dont la maladie avait été le lieu de la rencontre du Christ et de la résolution de toutes ses questions existentielles (1).


Plus encore : la victoire de la vie sur la mort, celle de l’amour sur le péché, illumine jusqu’à la tombe. En réalité, la lumière du Ressuscité y demeure l’unique espérance. Comment pouvons-nous le faire percevoir aux personnes marquées par le deuil d’un proche ? Plus généralement, comment mieux accompagner des funérailles chrétiennes, que ce soit dans le cadre d’une équipe d’accueil ou pour soutenir des amis éprouvés ? Voici quelques pistes de réflexion pour alimenter les discussions.

Les funérailles sont à la fois un service à la personne défunte et à ses proches. Puisque les assemblées d’obsèques sont en large part composées de personnes « pour qui l’Eglise est loin », il convient particulièrement de penser la cérémonie afin qu’elle touche les cœurs. La liturgie des funérailles doit autant que possible s’imposer par sa beauté : le soin apporté aux détails, aux gestes, à la dimension musicale... y contribuent. Le message de la beauté est universel. Il rejoint même les non-croyants et suscite la gratitude de la famille.


Dans ce contexte, il semble que les funérailles avec messe ne soient pas souvent opportunes : la partie eucharistique peut sembler longue à des non-pratiquants ; elle amène parfois un trop grand nombre à communier sans savoir ce qu’ils font. Cependant, comme la prière et l’offrande eucharistiques pour nos morts sont de grande valeur, n’hésitons pas à inviter ceux qui ont la foi à prier et à faire célébrer des messes (2). Le sacrifice eucharistique est alors la prière du Christ et de l’Église pour la personne défunte. Il s’agit d’une tradition éminemment chrétienne qui mérite d’être mieux promue.


Concrètement, on peut proposer – sauf cas d’assemblée majoritairement pratiquante par exemple – des funérailles sans Eucharistie, tout en invitant la famille à rejoindre une future messe dominicale qui sera célébrée à l’intention du défunt. Les proches vivront alors une immersion dans la communauté paroissiale et entendront à nouveau l’Évangile.

Lorsqu’une personne décède, force est de constater que ses défauts semblent disparaître aux yeux de l’entourage ! Les éloges funèbres ne manquent généralement pas. Il y a là quelque chose de compréhensible. Cependant, le message chrétien – spécialement les réalités éternelles – est trop souvent éclipsé. Au mieux, on croit au Ciel... La possibilité de s’être séparé de Dieu du fait de péchés graves non pardonnés est trop souvent oubliée. Jésus a au contraire abordé de multiples fois ce sujet, comme dans la parabole des invités au festin, ou celle des vierges sages et des vierges folles (3). Faute d’une claire perception des fins dernières, on aboutit à des célébrations en l’honneur du défunt, voire à des « canonisations ». Quel message faire alors passer ?


Comme l’indique son étymologie, l’Évangile est d’abord une bonne nouvelle. Il est opportun de le présenter comme tel. On peut même annoncer le message chrétien en prenant des comparaisons tirées de la vie du défunt. Ce dernier aimait-il la montagne ? « La vie est comme un ascension. La joie y naît notamment de l’effort. Plus on monte, plus la vue est belle. Durant notre existence, il nous appartient de rechercher ce qu’il y a de plus beau, de plus grand, dans tous les domaines. Pour les chrétiens, la quête de Dieu sera comme une ascension – ils y trouveront le sommet de leur vie. Recherchons la grandeur dans chacun de nos actes, même humbles. »


Était-il amateur de rugby ? « La vie est comme un match. Pour aller de l’avant, il faut regarder en arrière – voir d’où l’on vient, se poser loyalement la question : venons-nous du hasard ou d’un Dieu qui est Amour ? Comme dans une partie de rugby, "ça cogne". Il y a des combats, mais ceux-ci font pour ainsi dire partie du jeu, aussi ne les dramatisons pas systématiquement. De plus, nous appartenons à une équipe : soyons des soutiens les uns pour les autres. Nous faisons même partie de l’équipe du Vainqueur. Avec Lui, nos défaites ne sont jamais définitives, même celle de la mort ! »


Fondamentalement, il s’agit donc d’annoncer que la vie l’emporte sur la mort et l’amour sur le mal, car Dieu est Vie et Amour. La pédagogie des funérailles doit aussi pouvoir allier espérance et exigence en développant par exemple le thème suivant : « Si, dans les fondements de notre existence, nous sommes fidèles à la logique de la Vie et de l’Amour – les commandements de Dieu en sont l’école –, nous participerons éternellement à cette victoire. »


La miséricorde sans cesse proposée par Dieu peut opportunément être rappelée : « La grâce de la confession, même sur notre lit de mort, efface les fautes et restaure l’amitié avec Dieu. En ce sens, "nous serons jugés sur l’amour", selon l’expression de saint Jean de la Croix ». Lors des funérailles, nous prions donc pour que nos défunts se soient présentés devant le Seigneur avec une âme pure de toute faute grave. Nous espérons que nos morts vivent éternellement de la lumière de la Vie et de l’Amour.

L’accueil de la famille se révèle être un témoignage éminemment chrétien. La proximité est le signe de l’amour du Christ. Il ne nous appartient pas de juger le défunt – Dieu seul est juge. En notre époque où les vertus humaines viennent à manquer, on peut même honorer telle ou telle de ses qualités, comme le courage : une personne peut avoir donné une leçon de vie par certains aspects de son existence, tout ayant de vraies zones d’ombres.


Plus d’une fois, la famille arrive avec des demandes particulières, venant éventuellement du défunt lui-même. Certaines sont légitimes, d’autres témoignent d’une faible connaissance de ce qu’est une église : passer une chanson de Johnny Hallyday, voire le répondeur téléphonique du défunt (« Bonjour, c’est Hugo, je ne peux pas vous répondre pour le moment, mais laissez-moi un message »)... Il n’est pas possible de dire oui à tout.


Les pompes funèbres disposant de leur propre sono transportable, on peut par exemple prévoir un moment de recueillement sur le parvis avec une chanson de variété voulue par la famille et n’accueillir dans l’église que les musiques purement instrumentales suffisamment dignes, ainsi bien sûr que les chants chrétiens. On peut aussi conseiller aux proches d’habiter le moment de l’inhumation ou de l’incinération avec le morceau qu’ils désiraient pour l’église. De cette manière, on cherchera donc à accompagner les proches « au plus près », tout en s’autorisant une pédagogie. Les obsèques s’avèrent ainsi un grand lieu d’évangélisation pour aujourd’hui. Abbé Vincent Pinilla


Quelques idées pour des funérailles


• Comment choisir les textes et les chants ? La paroisse peut proposer à la famille un recueil de lectures bibliques, tel celui de Fêtes & Saisons (éd. Cerf). Quant aux chants, ils sont bienvenus si l’assemblée sait les entonner, mais on fait souvent « au mieux ». L’église dispose parfois de feuilles ad hoc.


Dans des lieux sans organiste, des musiques sont éventuellement diffusées sur enceinte, notamment en entrée et sortie. Ne pas hésiter à s’appuyer sur l’expérience paroissiale et sur des ressources comme cette page de l’ensemble musical Elicci.


• Faut-il composer un carnet pour les invités ? Un support est nécessaire lorsque des « chants de foule » sont choisis. Si l’on désire faire simple et personnalisé, un beau papier A4 plié en deux convient, la photo du défunt se mettant volontiers en première page. Plutôt que de lire un témoignage parfois pénible du fait de l’émotion, il est possible de l’inclure dans cette feuille.


• Les musiciens proches de la famille proposent éventuellement leurs services. Celui qui manie l’outil informatique peut aider à concevoir et faire imprimer des images-souvenirs : « Souvenez-vous dans vos prières de N. », suivi des dates de naissance et décès ; on ajoute une photo et un verset biblique, une prière ou une citation.


Pour les équipes d’accueil de la paroisse, on peut soigner autant que possible les présentoirs à tracts au fond de l’église, voire réaliser un petit flyer d’évangélisation spécial funérailles. A. V. P.


(1) Cf. « Carlotta Nobile, un concerto pascal », Zélie n°61, mars 2021.

(2) Une quête est prévue pour cela : la messe est gratuite, mais est l’occasion d’une offrande (cf. liturgie.catholique.fr/la-messe/308075-offrande-de-messe). Si la famille désire une seconde quête au profit d’une cause (la lutte contre le cancer par exemple), préférer la faire sur le parvis. Ce qui est donné dans l’église est pour l’Église. Rien de pire que des confusions d’offrandes lors d’obsèques...

(3) Cf. Matthieu 22, 1-14 et Matthieu 25, 1-13.


Cet article est extrait de Zélie n°94 - Avril 2024 à découvrir gratuitement.




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