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Eléonore, soigner et servir




Pendant deux ans, en Guinée, Eléonore Dasse a travaillé au dispensaire Saint-Gabriel, fondé et soutenu par Fidesco. Elle a notamment été amenée à témoigner de ses choix et de sa foi catholique, au contact d’une population majoritairement musulmane.



Depuis longtemps, Eléonore Dasse avait le désir profond « d’entrer en service ». « En parlant avec mon père spi, j’ai senti un appel à partir loin pour servir les pauvres, raconte-t-elle. Comme j’entendais parler de l’organisation de volontariat international Fidesco, j’ai fait une session de discernement avec eux pour choisir de partir ou non. J’étais particulièrement attirée par l’aspect "aventure", le désir de sortir du quotidien connu pour aller à la rencontre d’une culture complètement différente, sans repère commun avec ce que je connaissais. »


Cette infirmière fraîchement diplômée part en octobre 2020 pour la Guinée Conakry, en Afrique, servir pendant deux ans jusqu’en août 2022. Elle travaille dans la capitale, Conakry, au dispensaire Saint-Gabriel. Il s’agit d’une œuvre de Fidesco, fondée par l’association sous l’impulsion du cardinal Sarah dans les années 1980. Les deux principales fonctions d’Eléonore sont celles de coordinatrice de l’hygiène, d’une part, et adjointe au responsable nutrition d’autre part.


« Ma journée commence à 8 heures au dispensaire, avec la louange proposée au personnel, se rappelle Eléonore. Il y a entre 5 et 10 % de chrétiens en Guinée, le reste de la population est musulmane. Dans le personnel du dispensaire, il y a environ la moitié de chrétiens et la moitié de musulmans. »


A 8 h 30, les patients commencent à arriver, près de 500 personnes qui paient leur ticket et attendent. Le matin, Eléonore s’occupe de la partie nutrition : elle fait partie d’une équipe d’une dizaine de personnes dédiée à la réhabilitation nutritionnelle des enfants. Ceux-ci viennent au nombre de 200 à 300 par jour, et beaucoup sont malnutris. La volontaire pèse et mesure les enfants.


Elle accompagne aussi les mamans dans l’allaitement et la composition de recettes pour leurs bambins. Le dispensaire donne des produits prêts à l’emploi gratuits, tels que de la pâte d’arachide avec des compléments alimentaires, fournis par l’Unicef.


Après le déjeuner, Eléonore se consacre principalement à l’hygiène et au respect des règles demandées par l’OMS, y compris les règles liées au Covid. Elle apprend aux personnes à se laver les mains, ou encore réalise de nombreux audits et inspections dans le dispensaire ; elle vérifie notamment le tri et l’incinération de certains déchets.


« Ensuite, j’aime donner un coup de main à la maternité, ou à la salle de soins, pour faire des pansements pour les brûlés par exemple, confie la jeune femme. Le soir, quand ma binôme de mission a fini son travail au dispensaire, nous allons au marché, nous jouons avec les enfants des voisins ou allons voir des personnes âgées. » Eléonore partage un logement avec sa binôme, et une famille de volontaires Fidesco habite à côté.


Pendant ces deux années qu’elle se remémore avec émotion, Eléonore a vécu sa foi avec une intensité particulière. « Nous avions une super paroisse et de belles messes. Dans la maison où nous étions, il y avait une chapelle au rez-de-chaussée, avec la présence réelle de l’Eucharistie. Jésus était à côté de nous toute la journée ! »


Elle ajoute : « En Guinée, qu’on soit musulman ou chrétien, on dit le mot Dieu dans toutes les conversations : "Cela va bien, Dieu merci", "C’est difficile, mais Dieu est là pour nous aider", ou encore "Inch’Allah !". » Tout le monde est pratiquant. Chez les catholiques, ils sont tous engagés d’une façon ou d’une autre. »


« Au dispensaire, où 80 % de la patientèle était musulmane, on nous entendait louer, la chapelle était ouverte, poursuit Eléonore. On nous demandait ce que nous y faisions. Sur la façade, on peut lire cette parole du Christ : "Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait". Nos voisins, musulmans, savaient que nous étions en mission et voyaient que nous vivions comme eux, allions au marché et mangions à la guinéenne, à l’inverse, parfois, des expatriés... »


Elle ajoute : « Les Guinéens n’avaient aucun complexe à nous demander ce qui nous animait et pourquoi nous venions passer deux ans avec eux. Notre vie et notre témoignage de foi étaient en quelque sorte une forme d’évangélisation. »


Pendant cette mission, la foi d’Eléonore a grandi, surtout au niveau de l’assiduité dans la prière : « Depuis, cette prière est devenue un besoin, plus qu’une obligation ».


« Mission » : on peut se demander la signification exacte de ce mot dans le cadre du volontariat avec Fidesco. Eléonore affirme : « Dans un autre cadre, on parlerait plutôt d’humanitaire - mais je n’aime pas ce mot. Dans "mission", il y a l’origine de ce mot, "envoi". Jésus m’a envoyée ; et Fidesco m’a envoyée, dans un lieu et avec des personnes que je n’ai pas choisies. Il y a une forme d’abandon dans la mission. Fidesco précise que quand les émotions sont exacerbées, quand on a l’impression de perdre le sens de sa mission, on peut se raccrocher à son "oui" missionnaire. »


La jeune femme ajoute : « Au dispensaire, il y avait une grande pauvreté et beaucoup de décès. L’accompagnement était donc différent d’en France. Les émotions étaient aussi davantage extériorisées. Quand les mamans pleuraient et hurlaient, je devais les soutenir, et quand je leur disais en langue soussou ce qu’on dit beaucoup là bas : "Dieu a donné, Dieu a repris", elles séchaient leurs larmes. Les gens nous remerciaient qu’on ait pris soin d’eux, même quand cela s’était mal terminé. »


Aussi, lorsqu’on demande à Eléonore ce qu’elle a le plus aimé dans cette mission, elle répond : « Les Guinéens ! ». « C’est un peuple doux, gentil, bienveillant et à l’écoute. Ils demandent sans cesse si on va bien : "Et tes parents ? Et tes frères et sœurs ? Et ton travail ?". J’ai reçu de très belles invitations, des cadeaux superbes, des sourires francs incroyables ! »


Ce qui a été un peu plus difficile, c’était la vie en colocation, mais également la nourriture : « Du riz tous les jours, avec des sauces pas forcément à mon goût », sourit-elle.


Eléonore cueille encore aujourd’hui les fruits de cette mission : en plus d’une prière plus régulière, c’est aussi sa confiance en Dieu qui a été renforcée. « J’ai retrouvé la vie française, avec les soucis "à la française" telles que les dossiers administratifs, ou encore des difficultés relationnelles. Mais je sens que mes épaules sont assez larges pour supporter telle ou telle épreuve. En Guinée, j’ai appris à être vraiment présente, auprès de chacun. Je suis là, pour servir. »


Ainsi, Eléonore a davantage de facilité a parler de Dieu autour d’elle. « Fidesco est une expérience qui permet de parler de Dieu plus facilement, cela me donne de la force ou du crédit. » Ces deux années ont été fondatrices pour elle à plus d’un titre, puisqu’Eléonore a intégré un Master d’humanitaire à l’Institut catholique de Paris à la rentrée dernière. Ce cursus est en alternance, elle travaille donc une partie du temps dans une association d’inspiration chrétienne.


La jeune femme utilise la métaphore de la plante pour parler de sa mission : son désir profond, c’est la graine qui a germé. Le départ, c’est la petite pousse qui a grandi et résisté. La deuxième année, elle s’est encore déployée. « Les fruits, je les vois maintenant, même s’ils sont parfois peu visibles. Je remarque que la mission étant finie, ma vie n’est plus un service permanent ! Mais je garde le sourire, la confiance en Dieu et la prière. » Solange Pinilla




Crédit photo © Osanne Photographies

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