De l'islam au Christ
© Philippe Lissac/Godong (Photo d’illustration)
Cette année, plus de 200 personnes issues de familles musulmanes sont baptisées à Pâques, selon les chiffres de la conférence des évêques de France. Un chiffre qui invite à mieux comprendre cette réalité et à accueillir ces personnes qui ont parfois tout quitté pour le Christ.
« Si vous voulez que les musulmans suivent Jésus, vous devez leur montrer que vous les aimez. Lorsque vous leur témoignerez de l’amour, vous trouverez des hommes et des femmes de paix dont le cœur est en train de changer », témoigne un converti, cité dans Ils ont choisi le Christ de Jean-François Chemain. Ce dernier, qui a enseigné l’histoire pendant dix ans en banlieue sensible, a accompagné des personnes musulmanes qui demandaient le baptême ; il œuvre dans une association de soutien des convertis persécutés pour leur foi, Eleutheros. Dans son livre, il rassemble des témoignages de musulmans convertis au christianisme.
Mais au fait, faut-il encourager ces conversions ? Les anciens musulmans qui témoignent dans l’ouvrage racontent que bien souvent, les prêtres ou d’autres membres de l’Église catholique les ont parfois dissuadés de se faire baptiser. Selon Jean-François Chemain, cette frilosité reposerait sur une interprétation erronée de Nostra Aetate, déclaration du concile Vatican II. Si celle-ci affirme que « l’Église regarde avec estime les musulmans », elle souligne également qu’elle « est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est "la voie, la vérité et la vie" (Jn 14, 6), dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse ».
Les personnes évoquées dans Ils ont choisi le Christ sont des musulmans ordinaires, plus ou moins pratiquants, jusqu’au jour où une personne, un événement, une lecture, ou souvent plusieurs éléments, viennent tout bouleverser. Ils font une rencontre personnelle avec Jésus.
Celle-ci prend même parfois, d’après leur récit, la forme d’une vision ou d’un songe. Samira, coiffeuse d’origine kabyle dans le Sud de la France, aperçoit soudain « dans le grand miroir placé devant elle, un homme vêtu d’une tunique et monté sur un âne, devant les pas duquel des gens déposent des branchages ». N’ayant pas de culture chrétienne, elle demande à sa cliente : « Y a-t-il quelque chose de particulier, en ce moment ? » La vieille dame lui répond : « C’est le début de la Semaine sainte ». Samira cherche alors une Bible et trouve, stupéfiée, l’exact récit de sa vision : l’entrée de Jésus à Jérusalem, le « jour des Rameaux » ! C’est le premier pas de sa conversion.
Parfois, la rencontre est indirecte : un des éléments qui ont conduit Tarek, d’origine algérienne, à se convertir, est l’aide apportée par le Secours catholique à sa famille quand il était enfant ; puis c’est le père de son épouse, qui ne cache pas sa foi chrétienne ; et encore la vision des jeunes catholiques aux JMJ à Paris en 1997...
Pour ces convertis, le chemin est souvent semé d’embûches : d’abord parce qu’ils sont fréquemment – mais pas toujours – rejetés par un ou plusieurs membres de leur famille, voire menacés de mort, car un hadith appelle à la mise à mort des apostats. Souvent, c’est la peur du « qu’en dira-t-on » qui suscite le rejet du converti de la part de sa famille.
Mais une autre souffrance vient parfois malheureusement de l’Église ; ainsi, un musulman avait écrit un mail à toutes les paroisses de Paris pour demander le baptême, et une seule lui avait répondu. Crainte, relativisme, désintérêt ou encore manque de temps peuvent causer cet accueil déficient, qui, heureusement, n’est pas général.
Le catéchuménat de deux années – parfois plus – est souvent perçu comme trop long par les convertis interviewés, alors que quelques semaines suffisent aux chrétiens évangéliques, et que dans l’Église orthodoxe, le sacrement est donné préalablement à la formation qui vient l’étayer a posteriori. « Alors que pour les catholiques il arrive à la fin et constitue trop souvent, justement, une fin », affirme Jean-François Chemain.
Autre souci souvent évoqué : un accueil trop froid de la part des paroisses, dont témoigne Rachida : « En une dizaine d’années depuis mon baptême, je ne me souviens pas avoir été jamais invitée dans une famille, pas même pour Noël ! ». Cette déception vient notamment du contraste avec l’islam, où domine une vision très communautaire, tandis que le catholicisme en France est imprégné d’une culture occidentale plutôt individualiste. Néanmoins, il semble bien que les catholiques – nous inclus ! -, pourraient être plus accueillants et inviter davantage les catéchumènes et les néophytes après la messe par exemple.
Des initiatives visent à évangéliser les musulmans et à mieux les accueillir, telles que Mission Angélus ou le forum Jésus le Messie, regroupés dans Mission Ismérie. Dialogue, évangélisation et accueil sont inséparables. S. P.
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