Clémence Pasquier : « Dans la maladie, Dieu prend soin de moi »
- Zélie
- 29 mars
- 5 min de lecture

Il y a neuf ans, Clémence Pasquier a appris qu’elle avait un cancer du sein, qui s’est généralisé. Elle vient de fêter ses 30 ans et est en soins palliatifs depuis trois ans. Comment voir la Providence, quand on vit la dernière partie de son existence terrestre ? Entretien.
Zélie : Est-ce que la Providence est un mot qui vous est familier ?
Clémence Pasquier : J’ai grandi dans la famille franciscaine, donc la Providence est un mot qui est assez présent. Saint François parle de « Dame Pauvreté », et de « Dame Providence » ! Il a une confiance en Dieu qui va jusque dans le plus matériel. Il sait que Dieu pourvoit.
Selon vous, qu’est-ce que la Providence ?
Il y a quelques années, j’aurais dit que c’est ce que Dieu donne au niveau surtout matériel. Je connais de nombreuses personnes qui ont fait confiance en Dieu pour un projet ; par exemple, une mission où l’on rencontre beaucoup de soucis, mais où tout se résout finalement. Aujourd’hui, je pense que la Providence est la grâce que Dieu donne à chaque moment, selon ce dont on a besoin. Parfois cela passe par une rencontre, ou encore parfois par quelque chose de matériel.
Vous êtes l’auteur de deux livres, Jeunes et saints et Rebelles et saints. Est-ce que la relation à la Providence de certains saints vous a touchée ?
Je pense à tous les saints de la famille franciscaine, comme saint Maximilien Kolbe : il a des projets fous, tels qu’une radio pour l’évangélisation, ou des couvents qui sont des villes entières, tout cela en étant mendiant ! Il affirme ceci : « Les grâces viennent au moment où nous en avons besoin ».
Quand on lit la vie des saints, on voit souvent qu’un moment de rencontre ou de maladie sera finalement un lieu de conversion. Cela nous apprend à faire confiance en Dieu.
Dans ces dernières années marquées par la maladie, comment avez-vous vu l’action de la Providence ?
Je n’ai jamais autant vu Dieu prendre soin de moi que dans la maladie. C’est vrai, la guérison n’est pas venue. Mais Dieu a pris soin de moi dans le détail de mon quotidien. Par exemple, quand je suis arrivée à Lyon, j’ai trouvé un appartement à 10 minutes à pied de la faculté de théologie, 10 minutes à pied du diocèse de Lyon pour lequel j’ai commencé à travailler, et 12 minutes de l’hôpital pour être soignée. Et cela, avant même de savoir que j’allais devoir aller régulièrement à cet hôpital, et au diocèse !
Dieu agit dans le bon temps, il fait en sorte que les choses soient facilitées. J’ai aussi fait des rencontres à un moment où je pouvais entendre ce qu’on me disait, que ce soit dans l’amitié ou dans l’accompagnement spirituel ; plus tôt, je ne l’aurais pas entendu.
Actuellement, je passe un mois en abbaye. J’ai trouvé une place chez les sœurs, tout en ayant mon suivi médical à côté ! Dieu agit ainsi dans le concret de ma vie, pour que je puisse avancer.
Vous disiez que chez certains saints, la maladie a été un moment de conversion. Est-ce le cas pour vous ?
Comme toute épreuve, la maladie est un moment de « crise », c’est-à-dire où les choses peuvent changer. Il ne s’agit pas d’une conversion radicale, mais de petites conversions. Ainsi, ce temps d’épreuve m’a rendue moins autosuffisante. Il m’a permis d’accepter de dépendre de Dieu et des autres. La conversion, pour moi, a vraiment été de réapprendre à trouver de la joie dans le fait d’avoir besoin de l’aide de Dieu et des autres.
Quand quelque chose arrive, comment savoir si c’est le hasard ou la Providence ? Est-ce qu’on peut se dire que tout ce qui est bon vient de Dieu ?
Cela me paraît une bonne vision. Faire une action de grâce, c’est regarder les choses dans la foi. Y voir la Providence ouvre à une plus grande joie, que de se dire que c’est seulement du hasard !
Voir la marque de la Providence, c’est aussi un choix de positionnement, une manière d’être attentif et de relire des choses avec ce regard de foi.
À titre personnel, je vois une marque de Dieu dans ma vie, quand il y a une force de douceur. J’ai tendance à ne pas être douce avec moi-même, et ma vie avec la maladie n’est pas toujours très douce. Alors quand je vois une attention matérielle, une rencontre ou une grâce spirituelle qui m’apporte de la douceur, pour moi, c’est une marque de Dieu. Pour d’autres personnes, cela peut-être de ressentir davantage de joie, ou de paix.
Il y a quelque temps, je suis allée à Lourdes, tiraillée par la peur de mourir, l’envie de vivre... Devant la grotte, j’ai senti une douceur m’envelopper, comme une couverture moelleuse. J’ai reconnu la présence de Dieu. Et je me suis dit : « Si le Ciel c’est cela, j’ai retrouvé le goût du Ciel ! »
A propos de cette sensation, c’est la mère abbesse de l’abbaye qui m’accueille qui m’a dit : « Clémence, vous avez besoin de douceur. Sortez votre couette et enveloppez-vous dedans. Vous allez ainsi reconnaître cette sensation, et apprendre à la chercher. »
Selon vous, comment faire davantage confiance à Dieu au quotidien ?
Cela commence par la relecture. Regarder derrière soi, voir que Dieu était là, de cette manière-là. Plus on voit que Dieu a été présent, plus on a confiance pour avancer. Plus on voit qu’il a traversé la Croix, plus on peut tenir dans la Croix.
Cependant, se dire que la Providence pourvoira n’est pas une décharge de responsabilité. C’est un équilibre entre préparer la suite, et ne pas l’anticiper ; c’est-à-dire vivre au présent, car au présent, Dieu donne la grâce. Il est l’éternel présent.
Dans l’adolescence, j’ai pris l’habitude de la prière d’alliance : merci, pardon, s’il te plaît. Dire merci, c’est déjà voir les signes de la présence de Dieu. Tous les mois, on peut « dézoomer », voir les fils que Dieu tisse : par exemple, un talent qui se déploie grâce à telle occasion, et qui est peut-être un appel ; ou une relation qui prend de l’ampleur ; ou encore un sujet qui revient régulièrement. Faire une retraite par an permet aussi de relire la présence de Dieu et de faire davantage confiance en sa Providence. Propos recueillis par Solange Pinilla
(Photo © Coll. particulière)
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