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Anne-Sophie : « Le Christ est présent à mes côtés »





Depuis cinq ans et demi, Anne-Sophie Chauvet (en photo) vit seule avec ses quatre enfants. Elle nous raconte avec authenticité ses difficultés et ses joies de maman solo, qui doit « penser à tout, tout le temps », mais aussi son souhait de ne pas être réduite à cette situation.



Zélie : Comment êtes-vous devenue maman solo ?


Anne-Sophie Chauvet : En mars 2018, mon mari m’a quittée du jour au lendemain. Cela a été une décision très brusque. Nos quatre enfants avaient entre 2 et 10 ans.


Aujourd’hui, nous sommes divorcés. Par ailleurs, une procédure de reconnaissance de nullité est en cours. En effet, j’ai des doutes sur la validité de notre sacrement de mariage, qui ont augmenté pendant la procédure civile de divorce. C’est aussi parce que j’ai choisi de rester fidèle à ce sacrement, que j’ai besoin de savoir s’il y a une raison de l’être, ou si je pourrai envisager différemment le reste de ma vie.


Qu’est-ce qui a changé dans votre organisation quotidienne depuis que vous êtes seule ?


En fait, avant la séparation, avec un mari très absent en raison de son travail, l’organisation de la gestion quotidienne reposait déjà sur mes épaules. Ce qui a changé, c’est qu’il n’y a plus de discussion entre adultes le soir. Toutes les décisions reposent sur mes épaules. Par exemple, auprès des trois aînés qui sont adolescents ou en train de le devenir, je regrette parfois des paroles que j’ai eues envers eux ; je ne peux pas beaucoup m’épancher à ce propos, ni discuter de sujets d’éducation avec leur père.


Après la rupture, j’ai déménagé, car j’avais besoin de reprendre ma vie en main et de ne pas tout subir. Je me suis rapprochée de là où habitent mes parents. Avoir ma famille à proximité m’aide énormément, quand je suis malade par exemple, ou en cas d’imprévu. J’ai également changé de métier.


Devenir maman solo signifie souvent une baisse du niveau de vie. Avez-vous vécu cela ?


Oui, bien sûr. Quitter Paris pour la province a aussi été un choix provoqué par ce changement de revenus. Il me faut expliquer aux enfants pourquoi certaines choses ne sont plus possibles financièrement.


En quoi votre manière d’être mère a-t-elle évolué depuis que vous êtes seule ? Devez-vous assumer à la fois la fonction maternelle et la fonction paternelle ?


Je ne pense pas que l’on puisse assumer la fonction paternelle quand on est mère. Hormis un week-end sur deux et la moitié des vacances, mes enfants grandissent sans père, mais je ne peux pas être père à la place celui-ci.


Ma façon d’être mère est différente maintenant. Mes enfants m’ont vue aller très mal, car les deux premières années après la séparation, je luttais contre une dépression sévère. Donc je leur explique beaucoup mes demandes, je les mets davantage à contribution. Je ne peux plus demander à mon mari s’il peut aller acheter le pain ; je le demande à un enfant.


Quand le mari n’est plus présent, n’y a-t-il pas parfois la tentation de rechercher chez ses enfants l’affection ou la complicité que l’on avait avec lui ?


Quand on a traversé des épreuves tous ensemble, avec ses enfants, le lien évolue. Nous sommes davantage attentifs les uns aux autres ; mes enfants sentent quand je vais mal. Pour autant, je ne reporte pas sur mes enfants le manque d’un mari, car ce n’est pas le même amour.


Quels sont les moments de l’année qui sont les plus difficiles pour vous ?


Au début, l’anniversaire du jour de la rupture, ou l’anniversaire de mariage, étaient des moments douloureux. Maintenant, ce n’est plus le cas.


Pendant l’année, le moment le plus compliqué est sans doute la rentrée scolaire, entre les réunions parents-professeurs à 17 heures qui signifient quitter le travail plus tôt, les inscriptions aux activités extrascolaires, en plus du travail...


Le week-end peut être difficile pour les parents solos, car au lieu d’être avec son conjoint, on est seul...


En ce qui me concerne, il a été difficile de me faire à l’idée de ne pas voir mes enfants un week-end sur deux. Si j’ai eu des enfants, c’est pour passer du temps avec eux, et en un certain sens j’ai été soulagée que le père ne demande pas la garde. Actuellement, les week-ends où ils sont avec leur père, il est fréquent qu’un des enfants reste à la maison, par exemple parce qu’il a une activité.


Cependant, maintenant j’apprécie aussi mes week-ends seule, qui deviennent du temps pour moi, où je lis à une terrasse au soleil par exemple. Le dimanche, je déjeune souvent avec ma sœur et mon beau-frère, ou bien des amis m’invitent à déjeuner à la sortie de la messe. Et le dimanche soir, que les enfants aient été avec moi ou avec leur papa, nous regardons un film en famille – souvent de vieux films - en mangeant une pizza, ce qui est une manière agréable de clôturer le week-end.


Est-ce que vous avez tendance à vouloir donner l’image d’une famille « comme les autres » ?


En fait, je ne pourrai pas le faire de toute façon. Notre famille ne ressemble pas à celles qui nous entourent. Cependant, il y a des blessures invisibles dans beaucoup de familles, comme celle d’un bébé décédé. Chez nous, la blessure est visible. Par ailleurs, ce n’est pas parce que le papa n’est plus là que l’éducation n’est pas transmise.


Quels deuils avez-vous faits en tant que mère solo ?


Il y a un deuil qui est un peu difficile, c’est lorsque des amis fêtent leurs 15 ans ou 25 ans de mariage... Je me réjouis sincèrement pour eux, mais j’ai un pincement au cœur, car je ne peux plus le faire. C’est un petit deuil à faire.


Quelles émotions traversez-vous en tant que maman seule ?


Je ne crois pas qu’il y ait d’émotions propres aux parents solos. On a le droit d’être en colère contre le conjoint parti, mais il ne faut pas s’enfermer dans cette colère ou la remâcher ; mieux vaut l’accueillir, puis la laisser partir.


Quand les enfants sont couchés, je me retrouve seule, et à ce moment j’aimerais être avec un homme ou un autre adulte, pour que l’émotion ne reste pas au fond de moi. En couple, on peut partager la colère ou la joie ; mais solo, on vit tout, tout seul.


Comment vivre sa vie affective ?


Je vis un mariage sans mari. Pour moi, c’est très important de rester fidèle au sacrement ; j’attends la décision de l’Officialité à propos de la validité de celui-ci. Au niveau affectif, je ressens un vrai vide, mais je sais pourquoi je suis fidèle.


Quand j’ai un week-end sans enfant, je prends parfois rendez-vous dans un institut pour un massage, afin de prendre soin de mon corps autrement. J’avais pris conscience de cela à propos de femmes qui ont vécu une blessure dans leur féminité à cause d’un cancer. Un massage, une coiffure, des boucles d’oreille : cela aide à se réapproprier son corps différemment.


Qu’est-ce qui vous aide le plus ?


D’abord, la prière et la messe. Le Christ est présent à mes côtés. Ensuite, j’ai une famille en or qui m’accompagne au quotidien ; ainsi que des amis très proches. J’ai également suivi un accompagnement psychologique, mais aussi médical, au début, quand j’avais besoin d’antidépresseurs et d’anti-anxiolytiques. Mon accompagnateur spirituel m’a aussi beaucoup soutenue.


La phrase de la Bible qui vous guide ?


« Et parce qu’il a souffert jusqu’au bout l’épreuve de sa Passion, il est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve » (He 2, 18). Ce verset de la lettre aux Hébreux m’aide beaucoup. Le Christ a subi bien pire que nous ! 


De quoi avez-vous besoin dans les relations sociales ?


J’ai surtout besoin de normalité ! Je suis une maman comme les autres, et je ne souhaite pas être sans cesse ramenée à mon statut de maman solo. J’ai la chance que les gens continuent à m’inviter à dîner.


D’un point de vue politique, qu’est-ce qui pourrait aider les parents solos, selon vous ?


Je crois qu’il était en discussion que l’aide de la Caf à la garde des enfants qui existe jusqu’à 6 ans soit prolongée jusqu’aux 12 ans de l’enfant pour les parents seuls. Cela me serait utile pour ma dernière de 8 ans, qui a besoin d’être accompagnée à ses activités extrascolaires quand je travaille.

Sinon, pour les trajets SNCF, il serait peut-être bon de créer une carte de réduction pour les familles dont les parents sont divorcés ; en effet, chaque trajet en train des enfants qui vont voir leur père me coûte 200 euros...


Auriez-vous un message à faire passer, pour que les parents seuls soient mieux compris ?


Cela dépend dans quelle période de la séparation ils sont : ce n’est pas la même chose si celle-ci est récente ou si elle a eu lieu il y a 10 ans.


Les parents solos ont besoin d’écoute, et que l’on soit à l’écoute de leurs besoins, qui peuvent être matériels par exemple. Peu après la rupture, des amies me déposaient un gratin de pâtes : c’était une chose en moins à gérer ! Être maman solo, c’est une énorme charge mentale qui ne s’arrête jamais. Quand je suis seule le week-end, je ne cuisine pas du tout, pour ne rien avoir à préparer. Le plus fatigant au quotidien, c’est de toujours penser à tout, tout le temps.


Pour autant, même maman solo, on peut vivre un apaisement qui s’installe, et avancer.


Propos recueillis par S. P.


Photo © Coll. particulière


Cet article est extrait de Zélie n°89 - Novembre 2023 : "Avec les mamans solos".



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1 Comment


Guest
Nov 14, 2023

C’est tellement très courageux de s’exprimer sur ce sujet . J’inviterais volontiers Anne -Sophie à déjeuner afin qu’elle se repose un peu . Cordialement

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