Évangéliser au travail
Peut-on témoigner de l'amour du Christ, avec respect et délicatesse, dans son milieu professionnel ?
Dans une démarche d'évangélisation de rue, quelques balises sont souvent suivies pour permettre une rencontre authentique et une annonce de la foi ajustée. Et au travail, comment cela peut-il se passer ? Au Congrès Mission, à Paris en 2019, un atelier proposait de réfléchir à ce thème : « Comment vivre les étapes d’une rencontre d’évangélisation dans une relation de travail ? ». Marie Cornu-Thénard et Noé Lapoudre ont transposé la question de l’évangélisation de rue – pratiquée par le mouvement Anuncio auquel ils appartiennent – à la relation de travail.
Avant de reprendre huit balises de la rencontre d’évangélisation, ils ont souligné les spécificités de la mission en milieu professionnel, où des enjeux de carrière peuvent interférer. A cela, Marie Cornu-Thénard répond : « Jésus nous a dit qu’évangéliser ne se fera pas sans douleur ni difficulté ».
Certains craignent également l’incohérence entre l’annonce du Christ et leur comportement professionnel. C’est l’occasion de changer ce comportement, mais aussi de prendre conscience que l’on ne sera jamais entièrement à la hauteur de ce qu’on annonce. Ainsi, on peut dire : « C’est vrai, je suis souvent en train de critiquer les autres, mais Jésus va m’aider à ne plus le faire ».
Autre question : est-il pertinent d'évangéliser son supérieur hiérarchique ? En fait, de la même façon qu’on échange parfois sur un mode informel – on parle du football, de ses enfants –, on peut évoquer sa vie privée et donc sa foi, avant de revenir sur un mode plus formel. Cela est une réponse au fameux enjeu de laïcité en France.
Les 8 étapes de mission de rue peuvent ainsi être appliquées à cette relation au travail. Première étape : aborder quelqu’un. Dans l’évangélisation, l'amitié est une attitude-clé, puisque la personne est vue dans son intégralité. Ainsi, le collègue n’est pas uniquement considéré dans la relation professionnelle mais dans sa globalité d’être humain. « Le matin dans le métro, je fais défiler le visage de chacun de mes collègues et je prie pour eux », témoigne Noé Lapoudre. Un collègue est prêt à entendre plus de choses quand il connaît déjà son interlocuteur.
Deuxième balise : se présenter, autrement dit révéler sa foi chrétienne. C’est plus difficile au travail que dans la rue. Plutôt qu’une présentation institutionnelle de sa foi, c’est dans les relations personnelles que l’on va en parler. Petit conseil : si l’on dit que l’on est catholique, éviter de sembler gêné, car cela ne fera que provoquer la gêne chez les autres.
On peut tendre des perches : « Je pars plus tôt ce soir car je vais dans une association », « Comme c’est la semaine sainte, je vais aller au restaurant chinois prendre un bol de riz ». On peut aussi passer sur un registre plus profond : « L’incendie de Notre-Dame m’a fait comprendre telle chose », ou encore rebondir sur les événements personnels – naissance, divorce, deuil - sur lesquels se confie un collègue, en disant que l’on va prier pour lui.
Troisième étape : entrer dans le vif du sujet de la foi. Cela nécessite une certaine vigilance car le dialogue peut arriver n’importe quand et n’importe où. Si le matin, on prie en disant : « Seigneur, je suis disponible et missionnaire », Il aiguisera nos antennes. L’important est que la personne se sente aimée et non jugée. Si on ne sait que répondre à ses questions, on peut lui proposer d’en reparler plus tard – c’est l’avantage d’une relation de travail.
Quatrième balise : se mettre à l’écoute, sans interrompre l’autre ni être influencé par ce qu’on connaît déjà de lui, et lui poser des questions. En même temps, écouter l’Esprit-Saint. Cinquième étape : témoigner de sa foi. Cela suppose de travailler son témoignage en amont – voire de le mettre par écrit –, en faisant mémoire des événements afin de raconter comment Jésus est venu nous rejoindre, nous consoler, nous guérir... On se met à nu devant des gens qu’on côtoie, mais de ce fait, cela a une plus grande force que face à un inconnu dans la rue.
Sixième étape : inviter à la prière, afin de matérialiser le témoignage. Cela peut sembler bizarre, au travail comme dans la rue, mais cela permet de laisser le Seigneur agir : « Dieu, je te confie la mère de N. qui vit une maladie », par exemple. Proposition suivante : susciter la rencontre avec une communauté chrétienne, par exemple en proposant à la personne de venir chez des amis communs chrétiens, ou à la messe.
Huitième et dernière balise : laisser un souvenir de la rencontre. « Anuncio propose une « Bible en 30 pages », raconte Marie Cornu-Thénard. Dans la rue, les gens s’assoient et commencent à lire ! J’avais offert ce livre à une collègue hospitalisée. » Enfin, laisser le reste à Dieu... Solange Pinilla
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