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Sans-abris : mieux les connaître et créer du lien


Dans le livre Humains dans la rue, Jean-Marc Potdevin, fondateur du réseau Entourage, ainsi que d’autres acteurs, donnent des conseils pour oser la rencontre avec les SDF.

Passant devant des personnes de la rue, nous nous sentons souvent impuissants. « En tant que riverain, vous êtes essentiel et avez beaucoup à offrir, beaucoup plus qu’un peu d’aide matérielle : vous-même. Votre bienveillance, votre temps, votre attention valent bien plus que quelques pièces » soulignent les auteurs du passionnant livre Humains dans la rue : histoires d’amitiés avec ou sans abri (éditions Première partie), Jean-Marc Potdevin, fondateur du réseau Entourage destiné à tisser des liens entre les personnes sans abri et les riverains, Anne Lorient, ancienne sans-abri et présidente du Comité de la rue d’Entourage (lire ci-dessous), et Lauriane Clément, journaliste.

Première piste pour tisser du lien : se débarrasser de ses préjugés. « La précarité n’est pas un choix, mais un concours de circonstances qui y mène, soulignent les auteurs. Il faut se battre dur pour s’en sortir. » En effet, les sans-abris ne sont pas dans la rue par manque d’envie de travailler : d’ailleurs, 24% des hommes SDF travaillent, dont 20% en CDI. Seuls 34% de ceux qui ont le droit aux prestations sociales touchent le RSA.


Chiffre qui peut étonner davantage, seules 14% des personnes sans domicile fixe mendient régulièrement ; la mendicité ne permettrait de gagner que 10 euros par jour en moyenne. Une partie des sans-abris se cachent – dans des halls ou des lieux publics –, notamment les femmes qui représentent 40% des SDF.

Enfin, 21% des personnes SDF sont dépendantes à l’alcool, soit une minorité d’entre elles. « Quand c’est le cas, ce serait plutôt une conséquence de la rue (l’alcool est l’anxiolytique le moins cher et le plus accessible). » 32% des personnes en précarité présentent un trouble psychiatrique sévère et 23% des SDF sont d’anciens enfants placés.

Au-delà de la froideur des chiffres, il existe des moyens simples pour entrer en lien avec les sans-abris. D’abord, leur sourire ! « Un sourire ça vaut 100 sandwiches » affirme Pierrot, SDF. Ensuite, leur dire bonjour. On peut se présenter, et si on le souhaite serrer la main de la personne, de préférence en se mettant à sa hauteur. Entamer la conversation sur le temps qu’il fait ou les travaux dans le quartier, ou encore demander l’heure, permettent de briser la glace, sans vouloir à tout prix aider la personne, ni l’humilier en l’enfermant dans sa situation de pauvreté.

On n’aimerait pas que quelqu’un nous donne quelque chose dont nous n’avons pas besoin. De même, la personne sans abri aspire à une relation d’égal à égal. On peut néanmoins lui demander ce qu’elle aimerait – peut-être des chaussettes – et lui proposer la liste des associations, centres d’hébergement à proximité et services sociaux de la ville, dont le rôle complète celui des riverains. Mais ce dont la personne sans-abri a besoin avant tout, c’est de respect, d’échange et d’amitié. Nous avons en tête la pyramide de Maslow selon laquelle les besoins vitaux – manger ou avoir chaud par exemple – priment, alors que les besoins relationnels sont tout aussi importants pour s’épanouir.

« Il ne faut pas non plus trop empiéter sur l’espace vital de la personne : ce banc, ce bout de trottoir, c’est son espace, d’une certaine manière, son intimité. Demandez l’autorisation avant de vous asseoir à côté » conseille dans Humains dans la rue Maya, qui a tissé pendant plusieurs mois une amitié avec Steph, un sans-abri, avant que celui-ci ne disparaisse sans prévenir.

« La richesse est une fausse sécurité, conclut Jean-Marc Potdevin. Fondamentalement, l’être humain est dans une relation de dépendance permanente aux autres. » Il affirme que la personne sans-abri a aussi beaucoup à nous apporter, nous permettant de toucher nos propres pauvretés. Solange Pinilla

Anne, ancienne SDF

La vie d’Anne Lorient, aujourd’hui âgée de 50 ans et présidente du Comité de la rue d’Entourage, ne laisse pas indifférent, tant elle a vécu des expériences traumatisantes. Née dans une famille bourgeoise du nord de la France, elle subit dans son enfance l’inceste de son grand frère, pendant douze années. Quand elle s’échappe à 18 ans pour aller à Paris, elle est rejetée par la tante qui lui avait pourtant proposé de l’accueillir. Dans la rue, sans ressources, elle est l’objet dès le premier soir d’un viol collectif, qui la rend muette pendant trois ans. Elle s’habille ensuite en homme pour essayer d’échapper aux prédateurs.

Un jour, elle met au monde un petit garçon, et fuit l’hôpital qui voulait placer son bébé en orphelinat. Celui-ci devient sa raison de vivre, et elle survit ainsi dans la rue, avant d’apprendre une autre grossesse trois ans plus tard. Elle ne veut pas pas revivre une nouvelle maternité dans ces conditions et, grâce à une association, elle parvient à trouver un logement en cité HLM. Elle commence alors à remonter la pente, à se faire suivre socialement et psychologiquement, et finit par raconter son histoire dans Mes années barbares, paru chez La Martinière en 2016.


Anne est bénévole dans plusieurs associations, notamment Entourage : « Ma vie a pris un sens. Je ne suis plus seulement une victime, je suis devenue une personne à part entière qu’on écoute, qu’on respecte. Je me débats, je continue, et progressivement je me reconstruis. » S.P.

Photo (c) Entourage


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