Marine, ou voyager pour apprivoiser la maladie
Imaginez : vous apprenez que vous avez une sclérose en plaques. Vous auriez envie de rester au chaud, pour vous reposer et garder des forces. Ce n’est pas du tout le cas de Marine Barnérias, qui a décidé de partir de façon itinérante en Nouvelle-Zélande, en Birmanie puis en Mongolie afin de se reconnecter à son corps, son esprit et son âme et ainsi apprendre à cohabiter avec sa maladie. Elle raconte cet étonnant périple dans Seper Hero, paru chez Flammarion.
Marine est une très dynamique étudiante en école de commerce, lorsqu’en avril 2015, à 21 ans, elle se rend compte lors d’une rencontre sportive étudiante que sa vue devient floue... Deux semaines plus tard, on lui diagnostique une sclérose en plaques (SEP). à cause de cette maladie auto-immune, la myéline, qui protège les nerfs, est endommagée par des anticorps. Les symptômes peuvent concerner plusieurs fonctions – vision, motricité, sensibilité... – et s’expriment lors des « poussées ». L’évolution de la maladie se fait le plus souvent sur plusieurs décennies.
Lorsqu’on propose à Marine des traitements – qui peuvent ralentir la maladie mais pas la guérir –, elle ne les accepte pas : « Je suis dans un déni total. Je n’accepte pas une vie différente. » Si bien qu’elle réalise une mission importante en stage chez Euronews, alors qu’elle vit une poussée qui altère beaucoup sa vue.
Finalement, elle décide de partir au loin – SEP : pour elle c’est « Super Envie de Partir », d’où le titre Seper Hero –, afin de se mettre en mouvement avec optimisme, être à l’écoute de son corps et de ses émotions. Elle monte son projet grâce au financement participatif qui rassemble de nombreuses personnes, dont certaines ont la même maladie. Elle emporte un « kit de survie » donné par son neurologue, celui-ci étant au début dubitatif puis finalement encourageant au sujet de son voyage. à raison : en huit mois, Marine n’aura pas de poussée.
La jeune femme prend l’avion pour la Nouvelle-Zélande. Dans ce pays aux paysages sauvages et magnifiques où elle va « marcher, grimper, camper et transpirer », elle a un objectif : connaître et écouter son corps, directement concerné par le diagnostic. Lors de ses longues marches et nuits sous la tente, Marine commence à parler à sa maladie pour l’apprivoiser et apprendre à cohabiter avec elle. Elle finit par lui trouver un surnom, « Rosy » – épines et pétales à la fois. En voyageant en auto-stop, elle apprend l’attente et la confiance ; peu à peu ses émotions s’extériorisent, ses peurs la quittent.
Après trois mois, direction la Birmanie, qui est pour Marine un pays où l’esprit est puissant, plein de pureté et d’innocence, et où la méditation – bouddhiste, même si elle l’aborde de façon aconfessionnelle – l’attire, afin de mieux gérer ses pensées paralysantes. Marches et rencontres sont suivies d’une « retraite de méditation » en silence pendant dix jours, où elle doit méditer pas moins de onze heures par jour. Même si ce séjour est éprouvant au début, elle en retire une grande sérénité et l’impression d’avoir une plus grande force mentale pour vivre sa maladie.
Après des services rendus dans un hôpital et de belles rencontres, cap sur la Mongolie où Marine souhaite sentir son âme, qu’elle assimile à son identité profonde. Son rêve : chevaucher dans les steppes et rencontrer les Tsataans, un peuple vivant de façon traditionnelle, sans électricité. Elle réalise ces projets, alors même qu’elle n’avait aucun contact en arrivant.
Face à la beauté des paysages et au terme de journées de cavalcade, Marine constate que sa « Rosy » change : « Ses épines face au soleil, aux larmes-arrosoirs, aux sourires, à la confiance et à l’émerveillement constant, ont perdu l’engrais qui les faisait pousser... Elles cherchent désespérément la peur, l’anxiété et le stress mais s’accrochent aussi beaucoup au futur et au passé : ici on est au présent, pas facile pour ces épines de faire leur place. »
L'impressionnante capacité de la jeune femme à vivre l’instant présent avec confiance, à aller de l’avant, et à écouter les autres, en dépit de sa maladie – et même grâce à celle-ci, sans laquelle elle n’aurait jamais entrepris ce voyage décisif – donne un grand souffle d’espoir, sinon d’espérance... • Solange Pinilla
Article paru dans Zélie n°23 (Octobre 2017)
Crédit photo © Facebook.com/Seper-Hero