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Travail salarié et vie familiale : les conseils d’une coach



L’activité professionnelle indépendante est souvent considérée comme plus facile à articuler avec la vie de famille, grâce à la flexibilité qu’elle permet. Cependant, comment concilier un travail salarié et la présence auprès de ses enfants notamment ? Jeanne de la Tousche (photo), coach de vie pour femmes et mères, évoque des questions pertinentes à se poser.



Zélie : Tout d’abord, qu’est-ce qui vous a amenée à devenir « coach de vie pour femmes et mères » ?


Jeanne de la Tousche : J’ai été institutrice pendant dix ans. Je voyais que les enfants n’étaient pas disponibles aux apprentissages quand ils n’avaient pas une gestion émotionnelle saine. Après m’être formée à la communication non violente, à l’accompagnement et à l’écoute, j’ai constaté que les parents me confiaient leurs situations. Ensuite, je suis arrivée à Toulon, où j’ai commencé à accompagner des parents en gestion des émotions, des conflits...


Puis la maternité a été pour moi une tempête émotionnelle ! Je me suis fait coacher à ce moment-là, ce qui m’a fait beaucoup de bien. Une maladie que j’ai vécue a fait que j’ai dû être opérée et que je ne peux plus avoir d’enfant ; cet événement m’a amenée à m’intéresser à la femme en général, tant dans son leadership, sa mission de vie et son rayonnement, que dans son rôle de mère. J’observe que trop souvent, les mères se sentent seules, alors qu’elles pourraient trouver de l’écoute, et aussi des solutions en elles. Il y a un an, j’ai donc ouvert mon cabinet de coach pour femmes et mères.


Certaines femmes se demandent si elles devraient se tourner vers des métiers que l’on voit comme plus faciles à articuler avec la vie familiale, tels que l’enseignement où l’on a souvent des horaires scolaires et les vacances. Est-ce une piste intéressante ?


La question qui est derrière, c’est : « Où est-ce que je veux rayonner ? », et aussi : « Quel temps je veux donner à chacun, moi comprise ? ». Autrement dit : est-ce que je peux rayonner en travaillant « dans l’enseignement, avec les vacances scolaires » ? Si oui, tant mieux. Mais si cela ne me convient pas, je vais vite m’épuiser. Mieux vaut me demander : comment trouver un moyen pour que mon lieu de rayonnement dans le travail soit aussi conciliable avec ma vie de famille ?


Pour certaines, ce sera en offrant des temps de qualité à leurs enfants, plus qu’en quantité. En effet, on peut être là, avec eux, mais frustrée, et donc avec un rayonnement faible. Je dois partir de mes désirs : qu’est-ce qui m’anime ? Quelle est ma vision de mon rôle de maman ?

Comment avoir le courage de négocier des horaires, un temps partiel ou du télétravail, quand on passe un entretien d’embauche et qu’on peut craindre de ne pas avoir le poste ?


Il faut en effet savoir ce que l’on veut et ce que l’on ne veut pas. Si l’employeur est d’accord pour ces horaires aménagés ou ce télétravail, cette entreprise est un lieu où je peux vivre mes valeurs, avoir une vraie qualité de présence, et aussi être plus productive. Si ce n’est pas le cas, je ne pourrai pas véritablement rayonner.


Plus que de savoir si c’est une bonne entreprise ou pas, la vraie question est : est-ce que je donne la légitimité à mes besoins ou pas ? Est-ce que je me présente à l’entretien en étant sûre que je suis une valeur ajoutée pour l’entreprise ? Est-ce que je suis capitaine de ma vie ? Un temps de regard sur soi est nécessaire pour mieux se donner.


Et lorsqu’on n’a pas vraiment le choix de refuser un travail avec de gros horaires, par nécessité financière, comment articuler cela avec le rôle de mère ?


Quand il s’agit d’une urgence économique pour la famille, il faudrait pouvoir établir le cercle relationnel. On dit qu’il faut un village pour élever un enfant, et c’est souvent vrai. Par exemple, si j’ai un travail très prenant, à qui je vais faire appel pour m’aider ? Cela peut être en inscrivant à la cantine, en demandant de l’aide aux grands-parents, à des amis, en embauchant une nounou pour le soir...


On ne peut pas tout porter toute seule ! A travers cette demande d’aide, l’enjeu est de reconnaître ses besoins : quand je me donne le droit de les exprimer, je me rends responsable. Toutes les plantes ont des besoins : eau, terre, soleil, et on ne lui en veut pas, c’est ce qui permet qu’elle soit en vie ! Je suis un être vivant, j’ai donc des besoins et si je n’en ai pas, c’est que je suis morte ! Les besoins me permettent de nourrir la vie en moi.


Parlons du père : comment mieux partager ensemble le rôle de parents ?


Il me semble que comparer la charge mentale, le niveau de salaire ou la légitimité entre les deux parents est un piège, car « comparaison égal poison ». Un couple, c’est une équipe. Mieux vaut dialoguer, par exemple en disant : « Je suis dans une phase de travail très forte, comment nous organiser avec les enfants ? ». Si ce sujet génère trop de conflits, on peut aller voir un tiers neutre, comme un conseiller conjugal, afin de résoudre ce problème.


Imaginons qu’un père finisse tard le soir et ne puisse donc pas aller chercher ses enfants à l’école, et que la mère éprouve un sentiment d’injustice car elle doit finir plus tôt et y aller à chaque fois. Quelle solution trouver ?


Il faut voir quel est le besoin qui se cache. Est-ce à cause d’une frustration à quitter le travail plus tôt ? Est-ce qu’elle ressent ou non une légitimité à travailler plus longtemps pour rayonner ? Quelle place accorde-t-elle à son travail ? Qu’est-ce qu’elle aimerait réellement : travailler plus longtemps et que le père aille chercher les enfants à l’école deux fois par semaine ? Ou est-ce un besoin de partage de la charge du foyer, qui peut trouver une solution dans le fait qu’elle puisse avoir par exemple 3 heures de libre le week-end pour aller faire du sport pendant qu’il est avec les enfants ?


Pour elle, qu’est-ce qu’il y a derrière le fait d’aller chercher les enfants : de la joie, du sacrifice, de l’ennui ? Qu’est-ce que cela dit de la façon dont elle conçoit cette partie d’elle « mère au foyer » ? Si elle ressent de l’injustice, qu’est-ce qui la met en colère ? Est-ce un besoin de reconnaissance ?


Comme salariée, on a souvent 5 semaines de congés, bien moins que l’enfant scolarisé... Comment ne pas culpabiliser de « caser » ses enfants pendant ce temps ?


On peut se demander d’où vient cette culpabilité. Est-ce que parce que je pense néfaste de confier mes enfants ? Quelle est ma juste place à ce moment-là ? Et est-ce que je vois cela comme une façon de « caser » mes enfants, ou de leur permettre de goûter à la beauté de la vie familiale chez les grands-parents, ou encore de découvrir un nouveau sport ? Quand on culpabilise de confier son enfant parce que celui-ci est angoissé à l’idée d’être sans ses parents, il va le ressentir, alors que si on le laisse en étant certaine qu’il va vivre quelque chose de beau, ce sera sans doute différent.


Bien sûr, si cette organisation n’est pas tenable, on peut se demander comment on va s’adapter. Parfois, on fait des renoncements de façon paisible, parce qu’on y voit le lieu de sa fécondité – de la même façon qu’on a choisi son conjoint en renonçant sans réelle frustration aux autres hommes.


Avez-vous un dernier conseil pour mieux articuler vie professionnelle et vie familiale ?


Je conseille le livre Les couleurs du bonheur. J’équilibre et j’illumine ma vie d’Anne-Laure Drouard Chanel, qui sort de la dualité vie professionnelle-vie personnelle et propose une vision très unifiante d’un équilibre de vie plus global. Il est très pédagogique.


Par ailleurs, avec cette femme et trois autres coachs, nous préparons un projet enthousiasmant sous l’impulsion de Gabrielle de la Bigne : une plateforme de coaching et de contenus pour les femmes chrétiennes - ou proches -, afin de les accompagner dans le déploiement de leur être au service du bien commun. Propos recueillis par Solange Pinilla


Pour aller plus loin > jeannedelatousche.fr


Témoignage - Angélique, salariée, 2 enfants


« Mon métier est d’organiser des formations linguistiques à destination des cadres et des dirigeants. Je travaille trois jours par semaine, dont la moitié en télétravail - le mardi et un jeudi sur deux. Mon mari, chef de projet dans le bâtiment, accompagne nos deux enfants de 6 mois et 2 ans chez la nounou le lundi matin, lui-même étant en télétravail ce jour-là ; cela me permet de partir très tôt, car je suis à une heure de métro de mon bureau.


En journée, je m’arrête à 17h30 pour aller chercher les enfants et être là pour le bain, le dîner et le coucher. Ces moments sont très importants à mes yeux. En parallèle, j’ai un travail qui m’intéresse, dans une équipe que j’apprécie ; je me nourris des rencontres de l’extérieur. Le statut de salariée est très sécurisant pour moi. Lorsque les enfants sont malades, la nounou peut les garder. »


Olivia, salariée, 5 enfants


« Quand mes enfants étaient petits, j’ai réalisé des missions en indépendante pour des éditeurs. En 2018, ma dernière a eu 6 ans et j’ai repris un travail salarié : AESH (Accompagnante d’élèves en situation de handicap) dans une école maternelle, le matin. Depuis quelques mois, je travaille aussi l’après-midi, comme conseillère éditoriale et attachée de presse chez un éditeur mayennais, Résiac. Aujourd’hui, nos cinq enfants ont entre 11 et 19 ans ; ma dernière vient d’entrer au collège.


Le poste d’AESH me convient bien car j’ai un rôle d’assistance et d’éducation qui est important pour moi, ayant deux nièces handicapées. Je peux aussi vivre de ma passion pour les livres grâce à ma seconde activité. J’habite à la campagne, mais les distances quotidiennes en voiture n’excèdent pas 15 km. » Propos recueillis par S. P.




Photo © Jeanne de la Tousche

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