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S'exprimer avec la méthode du Losange



Cet article est extrait de Zélie n°85 - Juin 2023, à télécharger gratuitement.



Sophie Backer, coach, formatrice en prise de parole et ancienne journaliste radio, a construit la méthode du Losange. Celle-ci permet de prendre la parole de manière claire et efficace, notamment dans les prises de paroles courtes.


Qu’on le déplore ou non, depuis quelques décennies, le public des auditeurs a changé. Dans Pour oser prendre la parole (Eyrolles), Sophie Backer, qui a été rédactrice en chef à RFI est conseille aujourd’hui les personnes dans leurs prises de parole, le souligne : « Le public témoignait de son respect à l’égard de celui qui s’exprimait – en tout cas dans la plupart des circonstances ordinaires. L’orateur se trouvait placé naturellement sur le piédestal lié à sa fonction, forcément supérieure ».


Et d’ajouter : « L’auditoire d’aujourd’hui remue, s’agite, arrive en retard et repart avant la fin, passe une tête, et picore dans ce qui est dit comme on choisit dans un buffet ce qui nous met en appétit. (...) Il ne fait aucun effort particulier de compréhension de ce qu’on lui dit : c’est à l’orateur de "faire le job" pour se faire comprendre ».


Ce changement de paradigme comporte un autre donnée : l’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux, qui amènent d’une part un flux d’informations inédit, et d’autre part la possibilité pour quiconque de prendre la parole. « Chacun peut liker, commenter, critiquer, démonter, lancer un bad buzz ou au contraire applaudir et embarquer avec lui une cohorte de fans : le public a désormais le pouvoir. »


Dans ce nouveau contexte, où les formats dans les médias et les réseaux sociaux sont toujours plus fragmentés et plus visuels, l’attention est malheureusement plus dispersée. Sophie Backer propose une méthode pour établir un message clair et compréhensible de tous, qui captera immédiatement l’attention du public et réduira l’écart avec l’orateur. Cette méthode est d’ailleurs directement inspirée du journalisme.


Plutôt que de faire un plan « thèse / antithèse / synthèse », où le message est parfois difficilement repérable, ou « introduction / développement / conclusion », qui peut démarrer de manière un peu lente, elle conseille d’aller à l’essentiel. Bien sûr, on pourra remarquer que cela n’est sans doute pas adapté à une conférence de deux heures. Mais à notre avis, pour 2 ou 10 minutes, cela convient !


Dans cette méthode, le propos est construit autour d’un seul message, guidé par un point de vue, un angle. Sophie Backer se démarque du schéma de l’entonnoir utilisé en communication, où l’on commence par des généralités et où le champ se rétrécit pour devenir plus précis et spécifique, pour en arriver à la conclusion, c’est-à-dire le bout resserré de l’entonnoir.


A l’inverse, avec le schéma du Losange (ci-dessus), cela commence avec une entrée en matière directe, resserrée autour de ce que l’orateur veut dire de plus important. Ensuite, le propos s’ouvre, s’argumente, dessinant la « pyramide » en haut du losange, avant de se resserrer à nouveau, pour éviter de digresser et de s’éparpiller.


Entre le haut du Losange et le bas, une droite imaginaire dessine le message principal. Ce message, c’est ce que l’on voudrait que les auditeurs retiennent du discours. Et les phrases ne vont que s’enrouler autour de cet axe. Cela implique de choisir et ne pas tout dire. D’ailleurs, on le fait naturellement, quand on raconte ses vacances par exemple : on ne donne que quelques faits marquants.


Et concrètement ? Pour accrocher l’auditoire dès les premières secondes, l’auteur propose de donner un mot-clé dès le début, grâce à une phrase-tremplin : « Ma priorité, c’est... » ou « Ce qui est important pour moi, c’est... », qui annonce le mot-clé.


Comment trouver ce mot-clé ? En se demandant pour quoi on fait les choses. « Pour quoi je parle et pour quoi faire je raconte tout ce que je présente à mon auditoire ? » Cette intention, ce sens (distinct du résultat escompté), cela peut être par exemple, pour Michel, un manager imaginé par Sophie Backer dans son livre, qui prépare son discours de Noël à ses équipes : « Notre priorité, c’est la qualité du travail ».


C’est ce mot-clé qui va guider le propos, tel le refrain d’une chanson, mais en développant des arguments concrets. Cet argumentaire explicite se développe grâce à des verbes d’action qui répondent à la formule : « Comment je fais/nous faisons ».


Concernant le manager Michel, il va dire que pour améliorer la qualité du travail, il augmente les ressources, en achetant de nouveaux ordinateurs : il négocie le budget avec le département des achats, se renseigne sur les nouveaux matériels, prend les avis de ses collaborateurs, fait son choix, réceptionne et fait installer les nouveaux appareils... Ces verbes d’action permettent notamment de rendre visible le travail invisible du manager, disant ainsi quelque chose de sa fonction et de ce qu’il est.


La formatrice livre trois conseils concernant trois erreurs de langage à éviter. D’abord, éviter la forme impersonnelle « on » et préférer « je » ou « nous », plus précis. Ensuite, ne pas mettre d’adjectifs ou d’adverbes, souvent trop subjectifs : par exemple, un « beau » projet est un terme flou : est-il « ambitieux », ou « esthétique » ? Mieux vaut être plus factuel. Enfin, éviter les phrases trop longues, qui sont souvent un enchaînement d’idées, compréhensible surtout pour l’orateur mais moins pour le public.


Une fois ces conseils pour le contenu - qui est contenu dans un Losange ! - posés, on se demande souvent, quand on va faire une intervention ou un discours, ce qu’on va « faire de ses mains ». En effet, le langage non-verbal est très important, comme le souligne la loi dite de Mehrabian – du nom d’Albert Mehrabian, psychologue américain qui, le premier, dans les années 1960, étudia ce sujet.


Selon cette loi, dans l’impact d’un message, le visuel compte pour 55 %, le vocal pour 38 % et le verbal pour seulement 7 %. Autrement dit, si vous vous rappelez l’homélie du curé dimanche dernier, vous vous souvenez sans doute beaucoup de sa tête, un peu de sa voix et un petit peu de ce qu’il a dit !


Alors, que faire de ses mains ? Selon Sophie Backer, quand on est entièrement à ce qu’on dit, le corps suit. « C’est la notion d’impulsion : mettre en place les conditions de l’impulsion, grâce aux éléments de la méthode, pour entrer totalement dans son propre récit. C’est ainsi que, non seulement vous ne penserez plus à vos mains, mais que, en plus, elles se mettront à votre service en se mouvant naturellement, comme dans la "vraie vie". » Il est vrai que quand on raconte ses vacances, on ne se demande pas où l’on met ses mains.


Néanmoins, si l’on est vraiment angoissé par cette question, un conseil que l’on entend parfois est de mouvoir ses mains en plaçant les paumes vers le haut. Dans tous le cas, la gestuelle doit être ouverte – pas de bras croisés - et mobile.


Concernant le regard, mieux vaut ne pas avoir un regard fuyant, qui cherche le mur du fond ou la fenêtre, mais regarder les personnes : tantôt celle à droite, tantôt celle au fond à gauche, tantôt au milieu devant...


Si une personne nous impressionne, on peut regarder le haut de son crâne - ou entre ses yeux. Et si l’assemblée compte plus d’une quinzaine de personnes, Sophie Backer conseille à l’orateur de poser son regard tant sur un front, une épaule ou une chevelure, ce qui permet de donner aux personnes à proximité l’impression que le propos leur est destiné.


Ensuite, il y a la voix. Outre les conseils du dossier entier que nous avons consacré à la voix (voir Zélie n°53, « Trouver sa voix »), on gardera en tête ces trois idées : parler haut et clair, en prononçant bien - en visualisant les voyelles par exemple -, et ralentir le débit. Marquer des inflexions, faire chanter les phrases, donnera également un relief sonore propice à retenir l’attention de l’auditeur.


Concernant les « euh », s’ils ne sont pas présents à chaque phrase, ils permettent de marquer des pauses naturelles. D’ailleurs, il ne faut pas hésiter à marquer régulièrement quelques instants de silence, à respirer, à boire de l’eau (comme le font les humoristes sur scène !). Cela permet également de raccrocher l’attention de l’auditoire. C’est aussi possible au tout début de l’intervention, pour capter l’intérêt et prendre le temps de sourire au public.


Les professionnels de la prise de parole en public utilisent aujourd’hui deux méthodes en particulier : le pitch et le storytelling. Le pitch est « un récit plutôt court, parfois de quelques dizaines de secondes seulement, qui met en exergue un point majeur d’un parcours professionnel, d’une idée ou d’un projet », comme l’explique Sophie Backer. La méthode du Losange explicitée ci-dessus se prête bien au pitch puisque l’idée est de commencer par le message principal et de le dérouler.


Quant au storytelling, il s’agit d’une narration imagée, dont le terme vient du cinéma et de la publicité. Il est utilisé notamment dans la présentation de slides (ou diapos), ou encore grâce à un récit qui introduit le message principal et donne l’impulsion grâce à sa puissance d’image. Jésus lui-même n’a-t-il pas raconté de nombreuses paraboles ? Solange Pinilla


Conseils anti-stress


Construire son message avec des arguments factuels et solides.


Répéter et s’entraîner, face à un miroir ou une caméra.


• Si on est stressé car on craint que des consignes à des subordonnés soient mal reçues, rééquilibrer la charge en commençant par énumérer ce que l’on a déjà fait soi-même avant de faire ses demandes (par exemple, « Je me suis rapproché de la RH pour voir si nous pouvions avoir du renfort »).


Relativiser. « Le trac ? Vous verrez, ça viendra, avec le talent » (Sarah Bernardt à une jeune comédienne).



(Illustration © Zélie)

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