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Béatrice : « J’ai traversé une crise spirituelle profonde »




Alors qu’elle avait une foi intense depuis l’adolescence, Béatrice, 50 ans, a ressenti un dégoût de la prière, puis l’impression que la messe lui était étrangère... Elle nous raconte cette traversée du désert et la renaissance de sa vie intérieure.



« Je suis issue d’une famille chrétienne. La vie de foi ne se vivait pas explicitement à la maison mais mes parents ont su me proposer des camps de jeunes, où j’ai pu dès l’âge de 15 ans faire un chemin de foi très personnel. Ainsi, je dirais que j’ai toujours eu la foi chevillée au corps. Il y a 4 ou 5 ans, j’ai traversé une « crise de foi » assez profonde qui m’a beaucoup ébranlée.


Elle s’est manifestée d’abord imperceptiblement et j’ai alors pensé que c’était de ma faute, parce que je n’étais pas assez fervente, fidèle à la prière. Celle-ci n’avait en effet plus de saveur, avec l’impression que Dieu est absent.  J’ai donc essayé de « faire plus », pour tenter de camoufler le vide abyssal, mais cela ne m’a pas aidée, cela a plutôt apporté du dégoût. J’ai compris plus tard que, si la vie spirituelle est exigeante, Dieu ne passe pas en force...


A cette époque, j’ai lu le livre sur l’acédie de Dom Nault qui m’a permis de mettre des mots sur ce que je vivais, mais je me sentais dans l’impasse pour en sortir. J’avais une seule certitude : je ne pouvais pas abandonner ma vie spirituelle, c’était une question de vie ou de mort !


Puis un dimanche à la messe, j’ai fait cette expérience très douloureuse et brutale d’être dans une totale indifférence à ce qui était célébré : c’était comme une pièce de théâtre à laquelle je n’avais pas accès, j’étais passée d’actrice à spectatrice ennuyée et indifférente. Cela a duré plusieurs mois, puis années... Et tous les pans de ma vie spirituelle ont été atteints, radicalement remis en cause.


Cela m’a beaucoup questionnée sur l’éducation chrétienne et spirituelle de mes enfants : fallait-il continuer d’aller à la messe en famille comme si de rien n’était, ou m’ouvrir à eux, à la mesure de leur âge, de cette crise spirituelle que je vivais et qui rendait la pratique religieuse presque insupportable ?


Cela m’a questionnée également sur mes engagements dans l’Eglise, puisque j’anime des retraites pour femmes, des formations pour des prêtres et les religieux. Un sentiment d’illégitimité me submergeait souvent. Fallait-il continuer ou tout arrêter ?


La personne qui m’accompagnait à l’époque me parlait de « combat spirituel » et de « nuit de la foi », pas étonnants chez les personnes qui ont « charge d’âmes » et des engagements dans l’Eglise... J’ai eu du mal à me retrouver dans cette analyse. Encore plus profondément, cela est venu questionner le sens de ma vie. Le Christ avait été depuis mes 15 ans mon roc, mon maître, la fondation de ma vie et son sens, comment continuer d’avancer dans la vie ?


Peu à peu, j’ai compris qu’il fallait que j’ose faire un pas dans l’inconnu et que marcher à la suite du Christ pouvait me conduire sur des chemins déconcertants. Concrètement, cela m’invitait à distinguer mon cheminement de disciple du Christ de celui de membre de l’Eglise catholique. Désormais ma question n’était plus tant « Comment retrouver goût à la pratique religieuse ? » que « Comment progresser dans la vie spirituelle à la suite du Christ ? ».


La seule prière que je pouvais formuler était : « Seigneur, ma vie sans toi n’a pas de sens ! Ne me lâche pas ! Ne permets pas que je Te lâche et que je fasse ma vie sans Toi ! » et « Viens Esprit-Saint ! ».


Plusieurs lectures m’ont beaucoup éclairée, notamment Revivez de l’intérieur de Jean-Guilhem Xerri a été un guide précieux pour recréer les conditions d’une vie intérieure, notamment par la déconnexion numérique, l’attention au vécu intérieur, la sobriété dans la consommation et l’alimentation, le contact avec la nature et la contemplation, le silence intérieur et extérieur, l’accueil des frustrations ou encore la sortie des stratégies d’évitement.


Anselm Grün, avec son petit traité sur La crise du milieu de la vie, m’a permis d’identifier que cette « crise » était en réalité une évolution normale, saine de ma vie spirituelle. L’auteur affirme qu’« il faut tranquillement laisser s’effondrer sur nous la tour de notre suffisance et de notre pharisaïsme et nous abandonner totalement à l’œuvre que, dans cette tourmente, Dieu opère en nous ». J’ai compris que malgré cet inconfort total, le Seigneur pouvait faire jaillir de l’intérieur des sources nouvelles !


Aujourd’hui, j’entrevois la lumière au bout du tunnel. Je dirais de cette expérience qu’elle a été douloureuse, décapante et essentielle, comme si le Christ avait voulu m’emmener en eaux profondes, dans une vie spirituelle plus intérieure, moins ritualisée. Anselm Grün décrit en effet la tentation qui guette certains d’entre nous : « Par l’activité extérieure, par l’ardeur dans la piété et par l’activisme religieux, on veut camoufler son absence de contact avec ce lieu du cœur qui est tout au fond de nous, on veut oublier que Dieu lui-même nous reste, en fin de compte, étranger. On s’imagine le posséder en faisant des exercices religieux bien précis ». Notre Dieu est insaisissable, Il se cache car il désire notre cœur, mais il est fidèle ! » Texte recueilli par S. P.


> Je lis le reste de Zélie n°70 - Février 2022



Crédit photo Pexels CC

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