top of page

Yvonne-Solange, Rwandaise : « Rescapée pour aimer »



Cet article est extrait de Zélie n°90 - Décembre 2023 : "Chrétiennes du monde entier".



Au Rwanda, Yvonne-Solange vit une foi nourrie par son appartenance à la communauté de l’Emmanuel. Ayant survécu, ainsi que son mari, au génocide perpétré contre les Tutsis en 1994, elle se sent une responsabilité, celle « d’aimer » ! Elle a connu de près Cyprien et Daphrose Rugamba, assassinés pendant le génocide, et dont le procès de béatification est ouvert.



« En m’appelant Yvonne-Solange, mes parents m’ont donné deux saints patrons, l’un en janvier, l’autre en mai : ainsi, je suis bien accompagnée toute l’année ! », sourit Yvonne-Solange Kagoyire. Ses parents étaient en effet catholiques pratiquants : « Ils nous ont nourris par leur foi », explique-t-elle.


A l’âge de 13 ans, la Rwandaise a rencontré personnellement le Christ : « A la suite d’une blessure, j’ai rencontré Dieu le Père, en qui j’ai trouvé une vraie paternité ; je l’appelais mon Grand Papa ! Le Père m’a présentée au Fils, et le Fils à sa Mère ». Jeune adulte, Yvonne-Solange rencontre le Renouveau charismatique au Rwanda. « Cela a été le feu ! Cette rencontre du Seigneur a été nourrie par la communauté de l’Emmanuel, ainsi que par une recherche personnelle ».


A 18 ans, elle écrit une prière en donnant le profil de l’homme qu’elle aimerait épouser. « Le premier point que j’ai noté, c’est un homme vivant dans la crainte de Dieu, qui me relèverait quand je tombe et que je relèverais quand il tombe. »


Yvonne-Solange et son mari, François-Xavier Ngarambe – qui correspondait parfaitement à ses critères –, ont éduqué leurs 5 garçons dans la foi chrétienne ; ceux-ci ont aujourd’hui entre 29 ans et 14 ans, seul le dernier étant encore à la maison.


Aujourd’hui, la foi est toujours au centre de sa vie. « Je vis beaucoup de l’Eucharistie. J’aimerais aller à la messe quotidiennement, mais comme je travaille à temps plein – comme secrétaire à la Délégation de l’Union européenne à Kigali -, je ne peux pas toujours y aller toute la semaine. En revanche, la messe du dimanche me porte les jours suivants. » L’adoration est également « source et nourriture » de sa foi.


Elle reçoit régulièrement le sacrement de réconciliation : « J’essaie d’aller mensuellement rencontrer la miséricorde de Dieu et renouveler la soif de Dieu en moi. Cependant, un jour, une semaine après une confession, j’ai reçu un appel à me réconcilier de nouveau avec le Seigneur, à cause de quelque chose qui brisait ma relation avec Lui et avec mes proches. »


Yvonne-Solange et son mari font partie de la communauté de l’Emmanuel en tant que laïcs. Ils y puisent notamment une formation spirituelle : « Cette année, nous suivons l’année Samuel, un parcours interne de formation théologique, anthropologique et biblique par la Parole de Dieu ».


Ils vont aussi à un groupe de prière tous les mardis : « Même si je ne suis pas toujours régulière, c’est une source d’énergie spirituelle. » Une fois par mois, ils vivent aussi un week-end avec leurs frères et sœurs de la communauté, et se retrouvent régulièrement en « maisonnée » - un petit groupe de sept membres de la communauté avec qui ils partagent la prière et la Parole de Dieu -, autant de moyens de ressourcement.


Dans les épreuves, la foi permet à Yvonne-Solange de faire confiance en Dieu : « Tout ce qui se passe a un sens, si on laisse le Seigneur prendre le volant de notre vie. Une souffrance offerte peut apporter beaucoup de grâces et sauver beaucoup d’âmes. » Dans les difficultés de la vie, la foi lui a apporté « la charité, c’est-à-dire croire que malgré tout il y a un peu de bon au fond de chacun, et l’espérance qu’il y a un lendemain habité par le Seigneur ». Elle précise : « La vie ne s’arrête pas ici, la foi attise cette soif du Ciel, de la rencontre avec Dieu ».


Et des épreuves, Yvonne-Solange et son mari en ont subi une majeure en 1994, lors du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda.


Elle se souvient : « Depuis le jour de notre mariage, l’avenir nous sourit. Mais trois mois plus tard le génocide éclate, nous sommes de l’ethnie recherchée pour être tuée. Nous sortons de notre maison, nous nous réfugions dans l’école où mon mari enseigne. Et nous sommes miraculeusement épargnés, par la grâce de Dieu. Nous sommes évacués du Rwanda au Kenya. Après deux mois d’attente, nous pouvons partir en Belgique. Six mois plus tard, nous sentons un appel à revenir au Rwanda lors d’une retraite à Paray-le-Monial. Mais notre responsable nous dit d’attendre. Un an après, en décembre 1995, nous retournons au Rwanda. »


Elle poursuit : « A travers ce que le Seigneur nous a fait vivre pendant toute cette tragédie, à un moment où l’amour n’avait pas de place, il nous a inspiré son amour et son pardon envers ces personnes lourdement armées. Nous sommes faits pour aimer. Si nous sommes rescapés de ce génocide, c’est parce que nous avons une responsabilité : celle d’aimer jusqu’au bout. »


Yvonne-Solange et François-Xavier ont raconté ces événements dans le livre Rescapés de Kigali co-écrit avec un autre membre de la communauté de l’Emmanuel et paru en 2014.


Au Rwanda, la religion a une place importante. « Nous avons toujours été une nation monothéiste, raconte Yvonne-Solange. L’Église catholique est présente au Rwanda depuis les années 1900. Avant 1994, il y avait une grande majorité de catholiques. Ensuite, il y a eu une remise en question de la foi, car beaucoup de gens ont été tués dans l’Église et des hommes d’Eglise ont trempé dans les massacres, ce qui a affecté la population. Le catholicisme est la religion la plus visible au niveau national, même s’il y a une grande montée des églises évangéliques. » Aujourd’hui, parmi les 13 millions d’habitants, le Rwanda compte environ 45 % de catholiques, et 40 à 45 % de protestants.


Yvonne-Solange ne peut pas vraiment comparer la foi vécue au Rwanda de celle en France, car elle y a surtout fréquenté la communauté de l’Emmanuel : « Un milieu catholique pratiquant ancré dans sa foi ». Cependant, « quand à la messe dans une paroisse, je vois trois ou quatre grands-parents et un jeune qui est là par hasard, et le curé qui met un CD pour les chants, c’est triste, cela fait mal au cœur ».


Au Rwanda, presque tout le monde croit en Dieu, ou en tout cas en un être suprême, et à la vie après la mort : « Dieu est très présent, jusque dans notre langue, dans les prénoms. Cependant, ma question est : comment la foi est-elle vécue dans le concret de tous les jours ? »


L’Église catholique au Rwanda est relativement récente et il n’y a pas encore de saints rwandais canonisés. On pense au couple formé par Daphrose et Cyprien Rugamba (voir notre article « Cyprien et Daphrose Rugamba, l’amour jusqu’au bout »), assassiné en 1994 avec six de leurs enfants, et dont la cause de béatification et de canonisation a été ouverte en 2015. Ce seront les premiers saints rwandais canonisés si cette procédure aboutit - mais aussi les premiers béatifiés en tant que famille.


« Nous avons le privilège de les avoir connus, raconte Yvonne-Solange. Ils ont été nos accompagnateurs spirituels. Nous témoignons des faveurs que nous recevons grâce à leur intercession... »


Elle a aussi un autre modèle de foi en tête, qui pourrait être un jour canonisé : « C’est l’avant-dernier roi du Rwanda, Charles Rudahigwa Mutara III, qui a consacré le pays au Christ-Roi. Lorsqu’il a déposé sa couronne au pied du Christ-Roi, il lui a soumis son royaume. Cela nous porte jusqu’à aujourd’hui. C’est un saint homme, mort en 1959, qui recherchait la paix et l’entente. Son geste a attiré la Vierge à Kibeho ». En effet, la Vierge est apparue en 1981 à trois jeunes filles à Kibeho, apparitions reconnues par l’Église vingt ans plus tard.


A Noël au Rwanda, il y a rarement de sapins et de cadeaux, sauf dans les familles les plus aisées, sous influence occidentale. « Mais ce qui ne manque pas, même dans la famille la plus pauvre, c’est d’aller à la messe, de porter un habit neuf, et de faire un repas amélioré », explique Yvonne-Solange. Ou comment aller à l’essentiel. Solange Pinilla




Photo © Editions Emmanuel

Derniers articles
bottom of page