Le chapelet au-delà des préjugés
Le rosaire serait une prière désuète, trop répétitive, trop simple… En glissant entre nos doigts les grains d’un chapelet, on tisse pourtant une échelle vers le Ciel !
« Priez le chapelet tous les jours », a dit la Vierge Marie à Fatima. Difficile d’être plus claire. Pourtant cette prière, qui a ses défenseurs, compte aussi des détracteurs. Dans Rosaire un jour, Rosaire toujours (Cerf), le frère dominicain Louis-Marie Ariño-Durand, ancien promoteur général du Rosaire pour son ordre, défend - comme on l’imagine - cette prière si particulière.
Le chapelet est un objet mais surtout une prière, avec cinq dizaines, chacune comptant un Notre Père et 10 Je vous salue Marie. Le rosaire désigne la récitation de trois chapelets (ou quatre depuis l’ajout des mystères lumineux), soit 150 Je vous salue Marie – comme les 150 psaumes, aussi appelait-on le rosaire « Le Psautier de Notre-Dame ». Par extension, on appelle rosaire la prière du chapelet en général.
Or, on l’associerait aux anciens. Il est vrai qu’elle est très ancienne, développée sous sa forme actuelle par les dominicains à la fin du Moyen-Âge. Le rosaire s’est transmis, parfois littéralement : ainsi, les dominicains, comme d’autres ordres, reçoivent le jour de leur prise d’habit un chapelet qui était à un autre frère avant eux. « Le mien a appartenu au frère Joachim Mestelan, décédé à Biarritz le 1er décembre 1931, raconte le frère dominicain Louis-Marie Ariño-Durand. Sa croix, ajoutée bien plus tard, est celle du rosaire du frère Jacques Jomier, mort à Toulouse le 7 décembre 2008. » Peut-être avez-vous un chapelet que vous a transmis votre grand-mère...
Des jeunes aussi prient le rosaire, et entre celui en pierres semi-précieuses et celui en plastique fluorescent, le choix est vite fait : le second ! Le chapelet peut d’ailleurs rassurer, comme le souligne l’auteur : « La petite Bernadette, lorsque la Vierge lui apparaît pour la première fois dans la grotte de Massabielle, a peur. Elle saisit le chapelet qui était dans sa poche, comme une assurance face à l’inconnu, peut-être aussi parce que la belle dame en porte un également ».
Le frère dominicain dit que même lorsqu’il ne le prie pas, il aime avoir son chapelet à la main : « Comme un lien avec notre Mère du ciel, un rappel que je suis chrétien ou une incitation à prier à chaque instant. Et d’une certaine façon, je me sens en sécurité ».
L’avantage d’avoir un chapelet à portée de main, c’est qu’on peut s’en saisir en tout temps, en tout lieu. C’est une prière très flexible, que l’on peut répartir dans la journée, pour rythmer spirituellement le quotidien : pendant un trajet matinal, lors d’une promenade, après un repas... Bref, « le rosaire, une "prière de vieux" ? Plutôt une prière ancienne, qui unit toutes les générations dans un même amour du Christ, par et avec Marie ! »
Est-ce que le chapelet ne serait pas un peu répétitif et ennuyeux ? Il est vrai qu’il y a répétition, mais de la même façon qu’on ne se lasse pas de dire à quelqu’un qu’on l’aime. De plus, le rosaire permet de méditer des mystères de la vie de Jésus et de Marie : joyeux, lumineux, douloureux, glorieux, chaque dizaine étant associée à un événement tel que l’Annonciation ou la crucifixion. Et de les redécouvrir à chaque fois sous un jour nouveau.
« Le rosaire est ainsi : la lumière de Dieu toujours nouvelle lui donne un éclat différent selon la grâce du moment, la personne qui le médite, tant de circonstances qui font qu’un instant a un caractère absolument unique », évoque Louis-Marie Ariño-Durand. La répétition permet que la prière s’incarne dans le temps, avec patience.
On peut aussi relier chaque Je vous salue Marie ou chaque mystère à une intention – tant de personnes peuvent alors défiler dans notre esprit ! « Ennuyeux le rosaire ? Tout dépend de notre cœur. Un cœur qui aime n’a pas le temps de s’ennuyer. Il aime et cela lui suffit. »
On dit aussi que le rosaire est « la prière des pauvres ». C’est plutôt la prière des humbles, la prière avec celle qui est humble, la Vierge Marie, celle qui met Dieu en premier. C’est celle des pauvres pécheurs qui se savent pardonnés, qui attendent tout de Dieu. En 2017, le pape François disait aux Portugais : « Je vous donne un conseil : celui de ne jamais lâcher votre chapelet et de le prier ». Car auprès de sa mère, un enfant est sans crainte. Solange Pinilla
Photo © Pascal Deloche/Godong
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