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Discerner avant de s'engager


Parfois, l’évidence est là, la paix et la joie habitent le cœur : oui, c’est avec cette personne que l’on veut passer le reste de sa vie ! Il arrive également que la situation soit complexe ou que des doutes s’installent. Pierre-Marie Castaignos, prêtre et formé en thérapie de couple, apporte quelques clés de discernement pour s'engager en toute liberté.

Nombreux sont les livres qui parlent de la vie de couple et du mariage, mais moins abondants sont ceux qui proposent une réflexion pour les débuts, avant la décision de s’engager. Le Père Pierre-Marie Castaignos, membre de la communauté des Serviteurs de Jésus et de Marie, a un profil atypique : il a accompagné des centaines de fiancés vers le mariage, mais il a également suivi pendant trois ans une formation en thérapie systémique au Centre d’études cliniques des communications familiales.

Il est convaincu qu’il faut « une étape, avant la préparation au mariage où les fiancés sont dans un toboggan duquel il est bien difficile de s’extraire », selon son pertinent ouvrage Est-ce lui ? Est-ce elle ? Des clés pour avancer (Salvator).

Il évoque notamment plusieurs situations de couple qui posent des questions particulières ; celles-ci soulèvent des enjeux auxquels la plupart des personnes peuvent réfléchir.

Le cas d’amoureux qui se sont connus à l’étranger, par exemple en Erasmus, peut évoquer la question de la « bulle ». « A l’étranger il y a le risque d’une compensation affective, en trouvant dans l’être aimé une tendresse qu’ils auraient eue en restant chez eux ». C’est tout l’enjeu des relations fusionnelles, qui ne sont pas ajustées car l’un pense que l’autre va combler complètement son désir d’être aimé. « Il faut au moins un temps équivalent en France où chacun retrouve son environnement pour éprouver la relation ».

Il y a aussi le cas où les deux tourtereaux apprennent qu’ils attendent un enfant ensemble, ce qui n’était pas prévu. Il arrive, notamment dans les milieux chrétiens, que les parents des jeunes gens fassent pression pour qu’ils se marient, avant la date de l’accouchement, par peur du regard social. Pourtant, il s’agit de « deux engagements différents : la parentalité et la conjugalité ». Si l’enfant n’était pas là, se seraient-ils engagés ? Avaient-ils déjà parlé du mariage ?

En espérant qu’ils accueillent l’enfant, « une distance dans le temps entre naissance et mariage permet au jeune couple de réfléchir paisiblement. Si le premier acte n’a pas été volontaire, que le deuxième le soit pleinement. » Heureusement, être « parent solo » n’est plus vu comme une honte et toutes les possibilités doivent être ouvertes pour poser des choix libres.

Autre situation de plus en plus fréquente : avoir fait connaissance grâce à Internet, notamment par un site de rencontres. Cette démarche peut bien sûr donner lieu à des mariages heureux ; cependant, certains points de réflexion peuvent être proposés. Selon Pierre-Marie Castaignos, les sites de rencontres « laissent croire que l’amour n’est pas une élection mais une sélection dans un menu des possibles » ; autrement dit, qu’il y a peut-être « mieux ailleurs ».

Il cite aussi le sociologue Jean-Claude Kaufmann : « Le sites veulent désamorcer tous les écueils et sélectionner un profil hyper-sécurisant. Cette recherche du même piège l’individu. » L’auteur cite l’exemple de Martine et Gérard, mariés depuis 35 ans, qui se sont amusés à ouvrir un compte sur un site de rencontres pour voir s’ils allaient être proposés l’un à l’autre. Il n’en est rien, car Martine et Gérard se sont rencontrés sur un vol Paris-Sydney, Martine habitant alors en Bourgogne et Gérard en Australie... Les sites de rencontres aiguisent aussi le perfectionnisme - présent dans d'autres types de rencontre, bien sûr -, car il vaut mieux se montrer sous son meilleur jour. Bien sûr, ces écueils ne sont pas des fatalités, mais seulement des éléments de réflexion.

Dernier cas particulier : celui où l’un des deux amoureux est atteint d’un handicap ou d’une maladie physique ou mentale. Il est important de ne pas entrer dans une relation d’aide ouvrant la porte à un déséquilibre, de type « sauveur » et « sauvé », l’un ayant une dette envers l’autre. L'auteur conseille : « Si une maladie génétique, une stérilité, une maladie psychiatrique, une addiction est avérée pendant les fiançailles, la date du mariage doit être levée et un nouveau discernement avoir lieu, avec un temps d’éloignement l’un de l’autre pour laisser une totale liberté d’engagement. »

D’ailleurs, si l’un des amoureux a un membre de sa famille malade, ou est l’enfant unique d’un parent veuf, « le discernement est à faire sur le niveau d’engagement du jeune couple envers la personne malade ».

Pour toutes les personnes qui réfléchissent à s’engager, accepter ses limites, savoir vivre des relations ajustées et non fusionnelles, ne pas entretenir une loyauté toxique envers ses parents, aimer l’autre avec eros – désir –, philia – amitié – et agapè – amour désintéressé – et inscrire son désir dans la durée sont autant de pistes pour discerner un engagement vers le mariage. Élise Tablé

Lire le reste de Zélie n°40 - Avril 2019


Crédit photo © Antonioguillem/Adobe Stock

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