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Redécouvrir la physiologie féminine


© Noémie d’Auxiron-Amez/éditions Phidias

Si un certain nombre de femmes ont une connaissance théorique de l’anatomie féminine et du cycle menstruel, il est moins fréquent d’avoir une connaissance sensitive de ses organes internes, et d’écouter leurs messages. Pour mieux se découvrir et rencontrer ce corps donné par Dieu, nous avons posé ces questions à Marie Bareaud, sexologue, auteur du site marie-bareaud.fr et de la formation « Habiter mon corps de femme ».

Zélie : A l’école, on apprend un schéma des organes du bassin féminin, dans une vision un peu mécaniste. Comment faire le lien avec son propre corps ?

Marie Bareaud : Comme pour tout le corps, passer du schéma à soi-même se fait à travers le ressenti. Autrefois, il y avait un squelette dans les classes. Aujourd’hui, il faudrait même qu’il y en ait un avec les organes, ce qui permettrait de se demander : « Et moi, où est mon foie, où sont mes reins ? ».

Plus on va chercher un organe en soi, plus on va le sentir. Par exemple, à force de me connecter à ma glande hypophyse (voir ci-dessous), maintenant je la sens directement ! C’est seulement à partir du moment où j’ai appris à connaître mon bassin féminin - après avoir eu deux enfants -, que j’ai commencé à vraiment sentir celui-ci.

On dit que l’intestin est le deuxième cerveau ; en fait, c’est tout notre corps qui nous informe sur nos besoins, y compris les organes de notre bassin : le vagin, les ovaires, l’utérus... Et cela, même si ce sont des organes internes. Nous sentons bien notre estomac, lorsque nous ressentons la faim, alors qu’il est interne !

Pour certaines femmes, explorer leur physiologie féminine peut être compliqué, à cause d’une honte transmise par l’éducation – pudibonde, ou bien manquant de pudeur - ou encore suite à des agressions physiques ou psychiques. Que leur conseillez-vous ?

Pour ce qui est de la honte, c’est-à-dire des croyances que nous avons, le meilleur moyen d’en sortir est de nous former. Quand j’apprends qui je suis, je suis dans la réalité. Cela se fait dans une connaissance théorique et également sensitive : en me massant, en me touchant, en allant explorer. Ainsi, mon expérience va me permettre de sortir de ce qu’on a voulu me transmettre.

En ce qui concerne le vécu d’agression, la meilleure chose à faire est de se réapproprier son corps. A une femme qui avait vécu plusieurs opérations chirurgicales au niveau génital, avec un sentiment d’intrusion, je lui ai proposé de refaire sien ce qu’elle ne voyait plus comme une partie d’elle. On peut alors mettre la main sur son bas-ventre, en sentir la chaleur : « Tiens, c’est vivant », et d’ainsi créer d’autres sensations que celles qui ont provoqué la honte.

Pour les femmes qui ne connaissent pas bien leur physiologie, c’est comme si elles disaient à l’autre : « Je t’invite chez moi, mais je ne sais pas où nous sommes, ni où est le salon, la cuisine, la salle de bains... ». Cela crée une forte vulnérabilité. Ne pas se connaître rend également dépendante de la parole du gynécologue ou de tout autre professionnel de santé. Se connaître en tant que femme est une force.

Vous dites que le sexe est une « éponge émotionnelle ». Que voulez-vous signifier par là ?

Je pense que comme beaucoup d’organes, depuis ce que l’on a vécu in utero jusqu’à aujourd’hui, le sexe absorbe les émotions et les retranscrit à sa manière. On sait bien que les émotions se traduisent dans notre corps, par exemple lorsque l’on a un ulcère à l’estomac... Cela se produit particulièrement aussi dans notre sexe, lieu de notre intimité et de notre singularité ! Une femme me disait que lors des relations sexuelles, elle se mettait à pleurer ; il y avait là une émotion forte à écouter. Le vagin est parfois « bloqué » un peu au fond, ou au-dessus... On peut être sensible à ce qui se passe à cet endroit-là.

Les organes du bassin sont soutenus par les muscles du périnée. Les femmes découvrent souvent celui-ci lors de la rééducation périnéale après un accouchement, car il a été fragilisé. Pourquoi mieux le connaître et s’y connecter dès l’enfance ?

Dans la médecine chinoise, le périnée est le muscle de nos ancêtres ; il est aussi le muscle de notre assise, celui qui nous donne confiance en nous. Quand je propose aux femmes de se connecter à leur périnée, je leur demande : « Sentez-vous que le ciel peut vous tomber sur la tête ? Sentez-vous la puissance de votre assise ? ». Sentir son périnée aide aussi à sentir qu’on est sexuée – cela ne s’éprouve pas seulement grâce au fait de porter des robes ! Se connecter à son périnée est un moyen pour les femmes de se sentir sexuée, mais aussi pour les hommes.

Quand on est adolescente, on nous dit souvent : « Tiens-toi droite » ; en fait, il faudrait s’asseoir dans son bassin et ressentir son périnée, pour se remettre dans son axe.

Quel moyen concret permettrait de mieux connaître son sexe de femme, et ses différentes parties ?

La première chose est de retrouver un bassin en mouvement, par exemple sentir qu’il bouge quand on marche, comme je le conseille dans le parcours « Habiter mon corps de femme ». Cela permet une plus grande sensation de ses organes internes. Ensuite, on peut aller explorer, en prenant un temps seule et tranquille, avec ou sans miroir : toucher les grandes lèvres, les petites lèvres, le col de l’utérus, le point G – qui n’est pas un point mais plutôt une zone, où la muqueuse est différente -, la zone entre le sexe et l’anus... Tout cela permet de faire du lien entre ce que l’on connaît et ce que l’on sent.

Nous comprenons qu’une femme gagne à réaliser l’exploration de son intimité toutes les fois où c’est nécessaire. Nous voyons en même temps la limite de cette pratique, puisqu’il ne s’agit bien sûr pas de goûter seule le plaisir propre à la rencontre sexuelle. Au-delà des actes qui ne sont pas les mêmes, comment l’exploration se distingue-t-elle de la masturbation ?

Je pense qu’on peut le faire grâce à deux critères. D’une part, l’intention : est-elle d’explorer, de se rencontrer, de se découvrir, ou bien de se donner du plaisir seule ? D’autre part, on peut regarder les fruits de cette exploration : a-t-elle tendance à m’orienter vers la rencontre avec l’autre, ou à me renfermer sur moi-même ? Suis-je dans la joie de me sentir femme, et de découvrir, lors de la rencontre sexuelle, un don réel à mon conjoint ?

D’un point de vue hormonal, la poitrine féminine est reliée aux organes génitaux. Comment mieux être en relation avec ses seins, sans les réduire à une dimension érotique ou bien nourricière ?

En se mettant soi-même en contact avec son corps et sa poitrine. D’ailleurs, même si une femme a une poitrine avec peu de volume, elle a des glandes mammaires. La poitrine est un organe vibratoire, qui développe une énergie particulière en raison de ces glandes. On peut la faire sienne, sentir sa présence, sa chaleur, son volume, le sein droit, le sein gauche... On peut parfois retirer son soutien-gorge pour ressentir sa poitrine en mouvement et la sentir contre le vêtement.

Cela aide à sortir de l’idée selon laquelle j’envisagerais ma poitrine « pour mon mari » ou « pour mes enfants ». Cette poitrine m’est donnée en premier lieu pour moi-même, elle m’apporte de la douceur, elle me « nourrit ».

Comment réactiver le circuit hormonal parfois « bloqué », et ainsi mieux habiter son corps de femme ?

D’abord, en connaissant mieux le système endocrinien avec ses différentes glandes : l’hypophyse, la thyroïde, les surrénales, les ovaires et l’utérus. Savoir comment je suis faite va développer mon ressenti, et permettre une intention pour sortir ce circuit de l’inertie et le sentir en mouvement.

Cette réactivation passe par la respiration, qui va faire du lien entre le bassin et la glande hypophyse. Cela fait partie de l’éducation sexuelle : on peut dire à l’enfant que c’est ce qui permettra à la puberté d’arriver. Parfois, une jeune fille peut n’avoir toujours pas ses règles à 16 ans en raison d’un manque de connaissance de son fonctionnement propre.

J’ai aussi vu de jeunes adolescentes ayant participé à un atelier Cycloshow s’émerveiller et se réjouir à l’idée de devenir des femmes ; elles développent alors une écoute de qui elles sont ! A l’inverse, une femme ayant appris à 30 ans ce qu’était la glaire cervicale, pensait auparavant que cela était signe de maladie. Là encore, on voit que la connaissance de son anatomie, de ses organes et de son cycle est aussi important que les sensations et l’écoute de son corps. Propos recueillis par Solange Pinilla

Voyage dans le système hormonal féminin

Le système hormonal – ou endocrinien – est composé de « l’ensemble des glandes endocrines, c’est-à-dire celles dont les sécrétions vont directement dans le sang », explique le Docteur Clara Naudi dans le passionnant livre Mon corps au pays des merveilles (éditions Phidias), illustré par Noémie d’Auxiron-Amez.

Les molécules hormonales forment un système de communication interne, qui échange de façon instantanée avec le système nerveux et le système immunitaire. Les cellules de ceux-ci peuvent en effet recevoir directement les messages du système hormonal. Clara Naudi appelle ce système de communication « notre Intranet biologique », où se joue une « symphonie moléculaire ».

« C’est grâce à cet alphabet commun que les hormones sexuelles peuvent agir sur le cerveau et ce, dès la vie intra-utérine, que le stress peut affaiblir le système immunitaire et qu’un choc psychique peut entraîner un arrêt des règles », explique-t-elle. Les principales glandes endocrines des femmes sont les suivantes :

L’hypophyse, logée à la base du cerveau, et qui dirige les glandes endocrines. L’hypophyse sécrète, entre autres, l’hormone de croissance, les hormones de stimulation des ovaires (FSH et LH), la prolactine qui stimule la lactation, ou encore l’ocytocine qui provoque les contractions utérines pendant l’accouchement, et semble jouer un rôle dans l’excitation sexuelle et même dans le comportement affectueux non sexuel. « On l’appelle aussi l’hormone de la tendresse », précise Clara Naudi.

La glande thyroïde et les quatre glandes parathyroïdes qui sont au niveau du cou. La thyroïde, par le biais de ses hormones, détermine en quelque sorte la vitesse du moteur qui fait fonctionner nos cellules et nos organes.

Les glandes surrénales sont deux petites glandes en forme de pyramide perchées au-dessus des reins. Au centre de la glande, la médullosurrénale secrète notamment l’adrénaline, déversée en cas de stress. La recouvrant, la corticosurrénale sécrète une trentaine d’hormones, parmi lesquelles la DHEA, appelée aussi hormone-mère, car elle est à l’origine de nombreuses hormones, dont les hormones sexuelles.

Le pancréas, située en partie derrière l’estomac, déverse des sucs pancréatiques vers l’extérieur, et sécrète également dans le sang l’insuline - qui régule la glycémie - et le glucagon.

Les ovaires, dans le petit bassin, libère les œstrogènes et la progestérone, « dont l’action conjointe permet le déroulement du cycle menstruel, le développement des signes sexuels à la puberté et l’aboutissement de la grossesse ».

Le thymus, qui se trouve derrière le sternum, sécrète des hormones qui agissent sur la maturation de cellules immunitaires, les lymphocytes T.

L’hypothalamus, situé au-dessus de l’hypophyse qu’il commande, est à la fois tissu nerveux et glande. Chef d’orchestre hormonal, il assure les fonctions vitales de la régulation de la température, de l’appétit, des rythmes du jour et de la nuit, et traduit en langage corporel chacune de nos variations émotionnelles.

La glande pinéale ou épiphyse, logée au centre du cerveau, « transmet les impulsions de l’alternance du jour et de la nuit à l’ensemble de nos biorythmes ». En effet, elle sécrète la mélatonine, dès que l’obscurité de la nuit s’installe. Différentes traditions l’appellent le « troisième œil » : en effet, ces cellules ont une parenté embryologique avec les cellules photoréceptrices de la rétine.

Enfin, des amas de cellules spécifiques, disséminées dans le cœur, les poumons, l’estomac, l’intestin grêle, les reins, et même le cerveau, peuvent aussi sécréter des hormones.

Il existe aussi une classe d’hormones appelées endorphines ou morphines internes, qui sont produites par l’hypothalamus, l’hypophyse, mais également par la moelle épinière, le tube digestif, le cœur, la peau ou encore les poumons. Elles sont sécrétées lors d’une activité physique intense, au cours des états d’excitation, de plaisir ou encore de douleur ; elles produisent un état de détente, de bien-être, voire d’euphorie.

Les glandes mammaires ne font pas à proprement parler partie du système endocrinien car elles sécrètent vers l’extérieur ; sous l’action de la prolactine et de l’ocytocine, elles produisent du lait pendant les périodes d’allaitement. S. P.

Lire le reste de Zélie n°52 - Mai 2020

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