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Un mois de pèlerinage sur la Via Arverna



Claire Colette, assistante sociale et sociologue retraitée, part chaque année « nomadiser ». A l’automne 2019, elle a pérégriné sur une voie des chemins de Saint-Jacques, de Clermont-Ferrand à Rocamadour. Un chemin autant ardu qu’intérieur.



Certes, ce ne sont pas vraiment des « vacances ». Mais il s’agit bien d’une « vacance », d’une pause dans un quotidien bien occupé. Et pour Claire Colette, c’est même une nécessité d’entreprendre « un voyage vers l’ailleurs, l’ailleurs de [soi] ». Dans Marcher à cœur ouvert, de l’Auvergne vers Compostelle (Salvator), elle raconte sa marche en solitaire sur la Via Arverna, une des voies jacquaires, entre Clermont-Ferrand et jusqu’à Rocamadour.


Pour Claire Colette, ce goût des pérégrinations pédestres a commencé en 2006. Alors âgée de 53 ans, sa vie tourbillonnante s’arrête en apprenant qu’elle souffre de fibromyalgie, une maladie incurable qui associe douleurs et fatigue. Se demandant quel est le sens de sa vie, l’assistante sociale en retraite part pour trois mois de Louvain-la-Neuve en Belgique vers Compostelle en Espagne, sans entraînement ni téléphone, en logeant chez l’habitant.


« Le premier mois fut celui de la guérison du corps, le deuxième celui de l’ouverture du cœur, le troisième celui de l’éveil à la spiritualité. » En effet, Claire retrouve le goût de la vie et guérit également de sa maladie ! Depuis, elle part chaque année à pied sur les routes.


C’est sa marche de l’année 2019 que Claire raconte cette fois. Pour la sexagénaire, partir est aussi une façon de se retrouver : « Partir pour m’exercer au jour du Grand Départ ». Et son livre est aussi l’occasion de transmettre ce qu’elle a reçu et compris de la vie, au gré des blessures et des heureuses découvertes.


Le chemin emprunté par Claire de Clermont-Ferrand et jusqu’à Rocamadour, entre deux Vierges noires, est plus ardu et moins balisé que d’autres voies plus connues qui mènent à Compostelle. La ville de pèlerinage célèbre d’ailleurs une année jubilaire, puisque le 25 juillet, fête de saint Jacques, tombe un dimanche cette année.


Une des leçons du chemin est la gratitude. Entre Champeix et Issoire, c’est l’émerveillement : « Nous vivons quotidiennement dans une vision rapprochée des choses : un visage, un livre, un écran, la rue d’en face... Cette proximité réduit notre acuité visuelle à quelques centimètres – voire quelques mètres tout au plus. Peut-être, d’ailleurs, s’affaiblit-elle ? Dans la nature, le regard s’échappe, bondit, prend son envol, retrouve sa liberté, une profondeur de champ infinie. Il s’abreuve de couleurs. » L’auteur ajoute : « Ici, c’est une gamme de verts, des plus tendres aux plus foncés jusqu’à l’horizon ; le vert, couleur de l’éveil et de la régénération ».


Claire développe également la confiance ; sur le chemin, elle ne prépare jamais son itinéraire et suit simplement le balisage. Elle prévoit rarement où elle va dormir le soir. « Quand tout est organisé, rien ne jaillit ! », explique-t-elle. A l’inverse, elle est attentive aux signes parfois imperceptibles qui vont lui indiquer la direction ou le lieu. « Par exemple, j’ai souvent constaté qu’un piéton, un cycliste, un cavalier, un automobiliste survient dans les cinq à dix minutes à une croisée de chemins où je me trouvais perdue, et m’indique la bonne direction. »


De même, dans le village de Nonette, elle se rend compte qu’elle a trop rapidement résolu sa quête d’hébergement : elle a réservé une chambre d’hôtes en arrivant, lorsque dans un bar-tabac, une femme, Véronique, lui propose de l’accueillir... Claire se dit qu’elle aurait dû prendre le temps de sentir le lieu et les signes envoyés par saint Jacques !


Enfin, c’est aussi le courage que lui apprend le chemin. La pluie, le vent, le froid automnaux, la nuit qui tombe tôt, les chiens de ferme... Autant d’obstacles qui demandent de la ténacité, ainsi qu’elle l’expérimente entre Murat et Saint-Jacques-de-Blats, sur la route des volcans du Cantal.


Bravant le mauvais temps – l’absence de vent dans la vallée l’a trompée -, sous les rafales et les trombes d’eau, elle escalade une barrière métallique qui barre le chemin, franchit un torrent glacé puis se retrouve dans le brouillard, accrochée au piquet qui délimite la montagne de la falaise. Apeurée, elle tourne la tête vers l’arrière : « J’aperçois une trouée dans le brouillard par laquelle apparaît un bout du versant de la montagne couvert de forêts avec, en contrebas, au loin, une portion de route et, à quelques dizaines de mètres devant moi, le début d’un sentier. Puis tout se referme. L’issue vient de m’être montrée ! » Claire y voit un signe du ciel et retrouve finalement la route.


Cet itinéraire riche en émotions est unique ; il transforme les ombres en lumières, ainsi que le souligne la phrase de Bernard Quinsat citée par l’auteur : « La voiture nous déplace alors que la marche nous transporte ». Solange Pinilla


Crédit photo © Coll. particulière


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