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D’une langue à l’autre, le métier de traductrice




Anne-Laure Pasco-Saligny (photo) traduit en français des textes allemands ou anglais. Dotée d’une vision globale de ces trois langues, elle nous en dévoile quelques richesses.



La langue de Goethe la passionne, mais aussi celle de Shakespeare et celle de Molière. Adolescente, Anne-Laure Pasco-Saligny étudie dans un lycée franco-allemand. « En prépa, les devoirs qui me plaisaient le plus étaient les versions depuis l’allemand ou l’anglais », raconte-t-elle. La lecture d’une interview du directeur de l’ESIT (École supérieure d’interprétation et traduction) lui donne envie d’intégrer cette école. « Ce que je comprends de l’anglais ou de l’allemand, j’aime le transmettre », déclare Anne-Laure.


On connaît la traduction littéraire, mais on ignore souvent la traduction technique. La jeune femme, par ailleurs mariée et mère de quatre enfants, traduit des supports de communication interne ou externe pour des entreprises dans les secteurs automobile, électro-technique, financier et économique.


Par exemple, cela peut être la lettre d’un dirigeant d’entreprise qui vient d’Allemagne à ses salariés ; en effet, la loi Toubon de 1994 demande que les entreprises communiquent en français à leurs employés. Anne-Laure passe par des agences ou bureaux de traduction, qui lui envoient des demandes, qu’elle accepte ou non.


Concernant ces domaines techniques, elle n’en est pas spécialiste mais plutôt « spécialiste en recherche ». Elle lit donc la presse spécialisée et automobile en ligne, des documents de vulgarisation scientifique, ou encore le site du client final.


Pour ces traductions techniques, il existe des contraintes spécifiques : « Dans une traduction juridique, je dois garder le même nombre de phrases. Si elle est éditoriale, je peux écrire deux phrases au lieu d’une en allemand, car cette langue dit beaucoup en peu de mots ».


Anne-Laure traduit pour un lectorat français en France, ou francophone dans d’autres pays. « Ce n’est pas la même chose : en Suisse par exemple, on ne dit pas "Je perçois une retraite" mais "Je perçois une pension" ! »


En anglais aussi, il y a des nuances. Ainsi, « l’anglais britannique est un peu plus littéraire que l’anglais américain, avec des structures plus complexes. En schématisant beaucoup, on pourrait dire que l’américain est plus efficace, plus commercial, avec une structure "sujet – verbe - complément". » Entre l’anglais et le français, les différences de syntaxe sont peu flagrantes.


De la langue de Goethe à celle de Molière, Anne-Laure voit un contraste dans le fait que « l’allemand est plus précis sur le plan technique ; on sait exactement à quoi on fait référence, quitte à coller des mots ensemble ». A l’inverse, en anglais, un même terme sert régulièrement à décrire plusieurs réalités. « Toutes les langues ont des "trous", des imprécisions. Par exemple, en français, certains verbes ne se conjuguent pas à toutes les personnes ; ou bien un adjectif ne correspond à aucun adverbe ».


Concernant la structure des phrases à traduire, « en allemand, on trouve parfois le verbe à la fin, comme en latin, mais sinon il y a peu de différences. C’est comme un jeu de scrabble, où l’on retrouve les éléments grammaticaux dans un autre ordre. L’allemand est une langue à déclinaisons ; en français, on a les compléments d’objet direct ou indirect ; les déclinaisons existent donc d’une autre manière. La différence principale de l’allemand, c’est le mot-valise, qui exprime un concept très pointu en un mot, et que la traduction va rendre par une périphrase, en plusieurs mots. »


Anne-Laure nous détaille quelques atouts des trois langues qu’elle connaît. « Le français est à mon avis une langue assez plastique, modulable, comme de la glaise. On peut exprimer une même chose de nombreuses manières. La langue française est musicale. On peut jouer avec et se faire plaisir. »


Une des principales qualités de l’anglais est la richesse de sa sensibilité, selon la traductrice. « On le voit quand on lit de la littérature. L’anglais comporte de nombreux mots pour décrire les odeurs, les couleurs, les sensations, les bruits - les craquements, les grésillements... Pour décrire le grondement d’un moteur par exemple, la langue anglaise sera très riche. »


Enfin, l’allemand comporte des mots pour des concepts très précis, comme évoqué plus haut. Anne-Laure ajoute : « J’apprécie beaucoup de traduire l’allemand, car il y a une gamme de solutions ; même si on manque parfois de place ! ». Elle conclut : « Chaque langue a sa beauté ». Solange Pinilla



Photo © Coll. particulière

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