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Paul Challan Belval, vocation vitrail


En 2009, Paul Challan Belval a posé ses outils au dernier étage d’un bâtiment médiéval, à l’ombre de la cathédrale de Chartres. Un appel singulier est à l’origine de son art.

« Une passion ? Non, une vocation », déclare tout de go Paul Challan Belval. Dans son paisible atelier d’artiste verrier, situé sous les toits d’une maison du XIIIe siècle, on se croirait hors du temps : « Les charpentes de cette maison viendraient des échafaudages de la construction de la cathédrale », confie-t-il, alors qu’une stagiaire, Hedwige, fait de la peinture sur verre à l’autre extrémité de l’atelier.

Une vocation, en effet. « Je n’avais jamais pensé devenir vitrailliste, raconte Paul Challan Belval. Alors étudiant à Assas, je me pose la question de la prêtrise, et je suis une année de propédeutique pour le diocèse de Meaux, à la Maison Saint Jean-Baptiste à Versailles. » Son service au sein de cette maison est celui de décorateur, et cela lui plaît car il aime beaucoup dessiner - c’est une passion familiale, sa sœur Caroline Challan Belval est aujourd’hui une artiste peintre reconnue. Au terme de l’année, le sacerdoce ministériel paraît ne pas être l’appel de Paul.

Alors qu’il déclare qu’il va chercher un travail, un séminariste lui demande : « Pourquoi ne ferais-tu pas des vitraux ? » Il apprend que le métier de vitrailliste demande d’avoir un bon coup de crayon, le sens des couleurs et une bonne culture religieuse.

C’est décidé : à 27 ans, il s’inscrit au Greta de Chartres, un centre de formation professionnelle, à l’époque le seul en France à proposer une formation de verrier option vitrailliste, en raison de la cathédrale qui possède une collection unique au monde de vitraux du XIIIe siècle.

« Je me demandais si je pourrais gagner ma vie avec ce métier. A Chartres, où j’étais déjà allé lors du pèlerinage des étudiants, j’ai tout de suite été très heureux. Je pensais cependant : je vais faire mes preuves, puis je deviendrai peut-être moine. » Après les neuf mois de formation, on lui conseille d’ouvrir son propre atelier. « J’ai demandé à un responsable du diocèse : « Auriez-vous un presbytère vide pour accueillir mon atelier ? » On me répond : « Nous avons un local qui vient de se libérer ! » » C’est une ancienne maison de chanoine, au pied du portail sud de la cathédrale. Le signe est clair... « Il faut être ouvert à l’inattendu de Dieu ! »

Paul est donc artiste verrier depuis 2009. Les commandes, nombreuses, peuvent venir de particuliers, comme un couple qui lui a demandé un vitrail de la Vierge pour l’oratoire de leur maison, à l’occasion de leurs noces d’argent. C’est la « Vierge du signe » (photo du haut), en référence à la prophétie d’Isaïe : « Le Seigneur lui-même vous donne un signe : Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, et on l’appellera du nom d’Emmanuel... ». Ce vitrail, qui mesure environ un mètre de hauteur, est composé de 128 pièces de verre ! Du dessin jusqu’à la mise en double vitrage, il a demandé plus de 142 heures de travail, ainsi que 70 heures de travail à la stagiaire Mathilde Bombeaux.

Les commandes peuvent aussi venir d’associations, comme les Scouts unitaires de France ou Enfants du Mékong, pour leurs oratoires respectifs, ou bien pour les vitraux d’une église, telle que Saint-Pierre de Vibrac en Charente, en verre thermoformé. Paul utilise principalement la technique du sertissage en plomb, ou en Tiffany, c’est-à-dire avec des bandes de cuivre.

Depuis deux ans, il enseigne le dessin là où il s’est formé, au Greta de Chartres. Dans cette matière, il est d’ailleurs autodidacte ; le dessin d’un futur vitrail peut lui demander des dizaines d’heures, avec parfois des astuces : « Pour représenter le monde dans la main de l’enfant Jésus, j’ai demandé à la stagiaire de tenir un melon que j’avais et sa main m’a servi de modèle... » Pour dessiner l’enfant Jésus en vue d’un autre vitrail, il s’est inspiré de son neveu bébé.

Lorsqu’on lui demande de définir son style, il répond « figuratif » : « Le figuratif se passe de commentaires, il parle de lui-même. Dans l’art, on a parfois perdu contact avec la source de beauté... Le réel est la meilleure philosophie ! Le Créateur a mis sa marque dans la beauté de la Création et dans notre cœur. Des vitraux du portail sud de la cathédrale montrent chaque évangéliste sur les épaules d’un prophète. Bernard de Chartres a dit, au XIIe siècle : « Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux » ».

Que Paul Challan Belval considère son métier d’artiste comme une vocation spirituelle ne suscite pas l’étonnement, car sa manière d’être, tout en sobriété, fait penser à celle d’un moine. « Avant de commencer le dessin d’un vitrail, je prie l’Esprit-Saint, et je vois des images qui arrivent », raconte-t-il. On remarque aussi qu’il n’hésite pas à dire de ses œuvres qu’elles sont belles, sans fausse humilité, en nommant la Source de leur beauté. Lumineux. Solange Pinilla

Questionnaire de Proust revisité

Une odeur de votre enfance ? Lorsque je rentre dans l’appartement que je loue à Chartres, je traverse une partie ancienne de la maison où il y a eu des fumeurs ; le mélange d’odeur de la vieille pièce à parquet et boiserie mêlée à celle du tabac me rappelle aussitôt celle qui régnait dans l’appartement de mes Grands-parents maternels, qui habitaient 10 rue Puget à Nice... Car mon grand-père, aujourd’hui parti au Ciel, fumait la pipe. Nous l’aimions beaucoup et il nous racontait des histoires.

Pour vous, l’été, c’est... Un temps où je suis bien à l’atelier car il y fait chaud et ensoleillé, ce qui se comprend d’autant mieux après y avoir vécu onze hivers, où il fait froid et sombre. C’est aussi le temps des retrouvailles en famille une quinzaine au mois d’août, le temps de fêter mon anniversaire.

Une musique qui vous redonne du courage ? Le Dextera Domini de César Franck les années passées, et le Tebe Poem de Sergueï Rachmaninov depuis octobre dernier.

Votre couleur favorite ? Le bleu du soir, entre le couchant et la nuit.


Crédit photos : Haut : © Gonzague Pernay. Milieu : © Solange Pinilla.

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