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Chiara Amirante, consacrée aux jeunes de la rue


En 1994, Chiara Amirante, laïque consacrée, a fondé la communauté Nuovi Orizzonti, qui accueille des jeunes marqués par la drogue et la prostitution. Dans son livre « Seul l’amour demeure », cette Italienne raconte l’incroyable action de Dieu dans sa vie.

« Pourquoi Chiara Amirante n’est-elle pas plus connue en France ? » est la question qu’on se pose en refermant le livre où elle témoigne de sa vie, Seul l’amour demeure (Éditions Emmanuel). Les événements les plus extraordinaires sont survenus dans l’existence de celle que son éditeur français surnomme sans excès « Mère Teresa sans les rides ».

Née à Rome en 1966, Chiara Amirante (photo) grandit dans une famille chrétienne proche du mouvement des Focolari (« foyers », en italien) créé par Chiara Lubich. Cette spiritualité va marquer la foi de Chiara Amirante : « J’étais vraiment fascinée par les Focolari qui vivent pleinement dans le monde tout en consacrant leur vie à Dieu ».

Chiara Amirante rencontre Chiara Lubich lors d’un rassemblement des jeunes des Focolari. A quelqu’un qui lui demande quel est son secret, Chiara Lubich répond : « Mon secret, c’est l’amour de Jésus abandonné. J’ai découvert que, dans toutes les croix, dans toutes les souffrances, il y a la présence mystérieuse de Jésus qui a pris sur lui toute notre souffrance, par amour. C’est pourquoi, chaque fois qu’arrive une souffrance, je fais la fête parce que Jésus aussi est arrivé. »

Chiara Amirante perçoit que la souffrance est une épreuve, mais aussi une « rencontre » possible avec Jésus crucifié. Elle pense : « Si Dieu m’a aimée comme un fou jusqu’à donner sa vie pour moi, je ne peux pas ne pas passer toute mon existence à répondre à cet amour ; je veux lui donner ma vie, pleinement et totalement. » Ce jour-là, à 11 ans, Chiara ressent le désir très fort de consacrer toute sa vie à Dieu.

C’est aussi lors d’un rassemblement des jeunes des Focolari, « Gen 3 », qu’à l’âge de 17 ans, Chiara Amirante rencontre Roberto. Ils tombent amoureux l’un de l’autre, mais Chiara a des doutes puisqu’elle sent son cœur « trop amoureux de Dieu pour pouvoir imaginer une vie de couple » ; cependant au moment où ses défenses tombent, elle sent dans la prière que le Seigneur lui demande de lui offrir ce don et de quitter Roberto. Elle ne comprend pas pourquoi il lui faut « lui sacrifier ce qu’il lui a lui-même donné de plus beau ».

Finalement, Chiara et Roberto décident ensemble, non sans grande souffrance, de mettre fin à leur relation. Plus tard, Chiara comprendra pourquoi : « Si je m’étais consacrée à ma famille et à mes enfants, je n’aurais pas pu suivre tout le peuple de désespérés que le Seigneur m’a confié par la suite comme nouvelle famille spirituelle. »

Chiara a l’habitude de vivre dans la prière tout ce qu’elle fait ; chaque jour, elle prend un temps de méditation, va à la messe, dit le chapelet, consacre à Dieu un temps d’adoration et d’oraison. Étudiante en sciences politiques à la Sapienza à Rome, Chiara se retrouve d’un jour à l’autre dans une complète nuit spirituelle.

Tout en continuant ses activités à l’aumônerie et d’évangélisation, elle expérimente une totale absence de Dieu : « Les épaisses ténèbres de l’enfer avaient emprisonné mon âme. » Envahie par les doutes et l’angoisse, et l’impression que ses péchés en sont la cause, elle décide d’intensifier sa prière et va même trop loin en décidant de ne dormir que trois heures par nuit... avant de s’effondrer physiquement.

Au bout d’un an, Jésus « revient » et elle ressent à nouveau la communion avec Dieu. Il lui semble entendre dans la prière une explication du Seigneur : « J’ai toujours été avec toi pendant toute cette période, même si tu ne me sentais pas. Mais il était fondamental que tu expérimentes cette souffrance de l’âme, parce que tu devais savoir qu’il n’y a pas de plus grande souffrance sur terre que de ne pas percevoir cette communion avec moi. Je désire que tu vives pour les plus pauvres parmi les pauvres (…), ceux qui traversent la mort de l’âme à cause de leur péché, ceux qui se sont éloignés de moi et qui, ayant fermé leur cœur à mon amour, vivent déjà l’enfer sur cette terre. »

Chiara comprend qu’il ne suffit pas de vivre la communion avec Dieu au sommet de la montagne de l’amour, mais qu’il lui faut aussi « descendre dans les enfers » où attend un peuple qui crie, souffre et meurt ; elle veut témoigner de la joie éprouvée en vivant l’Évangile avec radicalité.

Chiara entre dans un Focolare pour se consacrer à Dieu. Une nuit, elle rêve qu’un démon la torture, la tente en lui disant : « Dieu t’a laissée entre nos mains… Où est-il, ton Dieu ? », et la blesse à l’œil avec une pointe brûlante ; une semaine plus tard, elle est réveillée par la sensation qu’on lui plante un poignard dans l’œil, et quelques jours plus tard, dans l’autre œil. De fait, on lui diagnostique une grave infection des yeux, qui fait fortement baisser sa vue.

Elle souffre énormément, et une nuit, vit une expérience d’enfer, d’obscurité glaciale, d’absence de Dieu. Elle se dit : « Si, en quelques secondes, j’ai vécu une expérience aussi terrible, que sera vivre l’enfer pour l’éternité ? Alors, je veux consacrer toute ma vie à ce que ceux qui vivent déjà l’enfer sur la terre puissent en sortir et surtout, n’y finissent pas pour l’éternité. »

Quelques temps plus tard, Chiara dit au Seigneur : « Si c’est toi qui mets dans mon cœur cette motion d’aller chercher de nuit les drogués, les prostituées, les alcooliques, les délinquants, les désespérés... donne-moi ce minimum de santé pour pouvoir aller seule de nuit dans la rue. » Le lendemain, elle ne souffre plus et le médecin n’en croit pas ses yeux : la maladie a complètement disparu, sans explication possible.

Toujours dans la prière, Chiara se prépare à cette mission particulière que le Seigneur semble vouloir lui confier ; elle reçoit comme un signe la demande de quitter le Focolare pour raison de santé. Elle fréquente un centre de la Caritas où elle accompagne des malades du sida en fin de vie ; elle passe trois mois à Dublin où elle rencontre des jeunes de la rue. Elle prend conscience qu’il ne suffit pas d’essayer d’offrir un lit ou de la nourriture à la personne de la rue, mais que celle-ci a besoin « d’un long et sérieux travail d’accompagnement pour entreprendre un chemin de guérison du cœur, de libération des dynamiques complexes qui emprisonnent l’âme. » Une personne pauvre ou désespérée a, comme tout être humain, besoin d’être libérée par l’amour de Dieu.

De retour à Rome, Chiara se rend la nuit dans les souterrains de la gare de Termini, à l’époque fréquentés par ceux que mêmes les groupes caritatifs trouvaient trop dangereux. « Ma vocation était la « descente en enfer » et, si l’enfer était là-dessous, il fallait que j’y aille. (…) L’atmosphère était surréaliste, en partie à cause des néons, qui laissaient des zones de pénombre, en partie en raison de ces personnages qui semblaient tout droit sortis d’un film : l’un ensanglanté, l’autre un couteau à la main, tous tatoués avec des cicatrices, des filles droguées se prostituant... Je m’accroupis près d’un garçon étendu par terre. Par chance, il rouvrit les yeux à ce moment : son corps avait cédé à une overdose. Il s’appelait Angelo. Il commença à me raconter sa vie, comme si nous nous connaissions depuis toujours. »

Sorti de prison, Angelo n’a pas de famille et est obligé de vivre dans la rue où cocaïne et héroïne circulent. Chiara l’écoute et essaie de trouver un lieu pour l’accueillir. Deux soirs plus tard, Angelo arrive un petit cadeau à la main, en lui disant : « J’ai compris que, s’il n’y avait qu’une seule personne comme toi sur terre, prête à perdre son temps pour écouter des jeunes comme nous, la vie vaudrait encore la peine d’être vécue. Et puis cette joie que j’ai vue dans ton regard... maintenant, je sais qu’elle existe aussi sur cette terre. Je veux la trouver moi aussi ! »

Chiara reçoit dans la prière un appel à créer une nouvelle communauté qui accueillera ces jeunes désespérés. Soutenue par son évêque Mgr Salvatore Boccaccio, elle fonde Nuovi Orizzonti (« Nouveaux horizons ») en 1994. Suivie par d’autres personnes, elle fonde la première maison à Trigoria, au sud de Rome, qui accueille vingt-cinq personnes.

Accompagnée de manière étonnante par la Providence, qui résout toujours tôt ou tard les difficultés notamment financières, et souvent confrontée à des présences démoniaques chez les jeunes – vaincues par la prière et les exorcismes –, la communauté se développe. Reconnue par le pape comme Association privée internationale de fidèles, elle comprend aujourd’hui 228 centres d’accueil et de formation. Nuovi Orizzonti compte également 700 000 Cavalieri della Luce (« Chevaliers de la Lumière ») engagés à « apporter dans le monde la révolution de l’amour », ainsi que 5 Cittadelle Cielo (« Citadelles du Ciel »), sortes de villages qui accueillent des personnes exclues.

En 2004, Chiara Amirante a été nommée par Jean-Paul II consulteur du Conseil pontifical pour les migrants, et huit ans plus tard, membre du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation par Benoît XVI. En septembre 2019, le pape François qui suit de près Nuovi Orizzonti a effectué une visite surprise au siège de la communauté à Frosinone, à 70 km de Rome ; il a souligné combien Jésus est venu « nous relever, pour remplir le cœur, pour nous regarder avec amour, pour nous parler avec cette voix qu’il est le seul à avoir ». Chiara Amirante, qui était présente, a certainement approuvé. Solange Pinilla

Une phrase qui a marqué Chiara Amirante

« Les hommes ont différentes façons de dépenser leur vie. Les saints ont compris que Dieu seul ne passe pas, ils se sont laissé revêtir de la lumière divine et n’ont pas choisi leurs petits projets. Ils se sont abandonnés à sa volonté pour réaliser son grand projet. (...) Tu seras saint si tu es saint maintenant. » (Chiara Lubich)

Photo © Nuovi Orizzonti

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