Berthe Morisot, peintre impressionniste
Ce matin de janvier 1841, la préfecture de Bourges est en émoi. Le préfet Morisot et son épouse viennent d’avoir une fille, Berthe, leur troisième enfant. On est loin de se douter que ce bébé fragile, baptisé parce qu’on l’a cru perdu, sera l’une des figures centrales de la peinture impressionniste.
Deux fois démissionnaire, après la révolution de 1848, puis après le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte, le préfet Morisot poursuit paradoxalement une brillante carrière de haut fonctionnaire et installe sa famille à Paris, dans les rues neuves de ce qui sera bientôt le XVIe arrondissement. C’est là, dès 1852, que Berthe et sa grande sœur Edma prennent des cours de dessin, à l’initiative de leur mère. Il est de bon ton que les enfants des familles bourgeoises cultivent un talent artistique. Chez Berthe, ce talent va se révéler un don extraordinaire.
Sur les conseils de ses professeurs, elle passe des heures, au Louvre, à recopier les plus grands maîtres, comme le Titien ou Véronèse. Le salon des Morisot reçoit également des artistes en vue à l’époque, comme Camille Corot ou Honoré Daumier. Dès 1864, Berthe expose lors des salons de peinture de Paris, comme élève de maîtres réputés.
Berthe est présentée en 1868 à Édouard Manet, déjà peintre reconnu, et qui représente pour elle la rencontre déterminante de sa vie. En effet, Édouard prend Berthe pour modèle dans plusieurs peintures (voir tableau ci-dessus : « Berthe Morisot au bouquet de violettes ») ; il pousse aussi le talent de son amie et l’inscrit dans ce qui sera bientôt le mouvement impressionniste. Passant les événements politiques de 1870 sans quitter Paris, elle est présentée par Édouard, dès l’été 1871, au marchand d’art Durand-Ruel, l’un des plus talentueux marchands de tableaux de la fin du XIXe siècle. La renommée de Berthe s’installe ainsi peu à peu.
En 1874, les dés sont jetés, Berthe participe, en avril, au premier salon des peintres impressionnistes, en rupture avec les salons académiques, créant et la curiosité, et une forme mesurée de scandale. Elle y expose alors des œuvres comme Jeune fille assise sur un banc, Cache-Cache ou La Lecture. Année faste, elle se termine par son mariage avec Eugène Manet, le frère d’Édouard, peintre également ; ils auront une fille, Julie.
A partir de 1874, alors qu’elle n’est pas la plus connue des peintres du mouvement, quoiqu’elle en soit une figure centrale, elle ne manque pas un salon – hormis celui de 1879, pour raison de santé. Sa régularité dans le travail contribue à sa réputation internationale, exposant, au soir de sa vie, en Belgique, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. La mort d’Édouard Manet, en 1883, est un bouleversement ; elle développe de nouvelles amitiés avec Monet et Renoir.
Après sa mort en mars 1895, la critique salue la qualité de son œuvre, entre paysages de campagne où se dégage déjà dans le fond la progression de la ville (comme Paysage à Gennevilliers), portraits de femmes notamment de son entourage, en intérieur ou dans leur jardin (Pasie cousant dans le jardin de Bougival), lieux vus au long de sa vie, comme les plages de Nice, ou le bord d’un étang, avec toujours ce réalisme des formes et ce choix des couleurs qui nous entraînent légèrement dans le rêve et l’idéal. Gabriel Privat
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Crédit photo édouard Manet/Wikimedia commons CC