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Aux côtés des femmes dans les quartiers sensibles


Aude Coutansais et sa famille vivent depuis septembre 2018 dans le quartier nord de Bondy (Seine-Saint-Denis). En mission pour l’association Le Rocher Oasis des Cités, Aude témoigne de l’accompagnement des femmes dans ces lieux aux périphéries de la société. Le Rocher propose également des actions éducatives, sociales et culturelles à tous. Entretien.

Zélie : Qui sont les femmes que vous côtoyez à Bondy Nord ?

Aude : De nombreuses femmes sont d’origine malienne ou maghrébine : soit elles sont nées en France, soit elles sont pour beaucoup ici depuis moins de 5 ans. Elles se sentent déracinées. Certaines ont un époux polygame, qui alterne entre deux logements en Seine-Saint-Denis, ou bien laisse leur femme seule pendant une longue période pendant qu’ils sont au « bled » en Afrique.

En fait, personne n’habite par choix à Bondy Nord, quartier séparé du centre-ville par un pont autoroutier. Les appartements sont majoritairement étroits, insalubres et gênés par le bruit de l’autoroute. Le bureau de Poste est souvent fermé trois semaines de suite à cause d’agressions, ce qui renforce l’isolement. Ces femmes ne sortent jamais du quartier, ont très peu de loisirs et ne partent pas en vacances !

La plupart sont mariées, mais leur mari est très peu présent dans la vie de famille. Ce sont elles qui s’occupent de la maison et des enfants. Elles travaillent souvent en horaires décalées : par exemple, elles vont faire le ménage dans des hôtels à Paris entre 5 et 7 heures du matin, ainsi que le soir. Parfois, ce sont les aînés des enfants qui s’occupent des petits pendant ce temps-là. Enfin, il y a le problème de la langue, car toutes ne parlent pas bien français.

Quelles activités l’association Le Rocher propose-t-elle aux femmes ?

Le mardi après-midi, nous organisons « L’atelier des femmes » : un lieu où elles viennent se retrouver au chaud et souffler. Nous proposons un thème différent chaque fois, comme la couture ou la cuisine : il s’agit un prétexte à la rencontre. Une fois par mois, une conseillère conjugale et familiale qui vient depuis plusieurs années propose un exposé – « Nos besoins », « Le corps féminin » ou encore « Être femme dans la cité » -, suivi d’un temps d’échange. Le matin, elle reçoit aussi en rendez-vous.

Le Rocher organise des cours d’alphabétisation, ouverts à tous, qui permettent aussi de passer des examens de français. Nous accompagnons les femmes dans leurs démarches administratives. Je fais aussi des visites à domicile, qui débouchent souvent sur des échanges en profondeur. Au quotidien, nous rencontrons les femmes au marché, à la boulangerie, chez Lidl, et nous échangeons des nouvelles... J’ai été aussi rendre visite à la maternité à une maman qui vient souvent au Rocher.

Nous faisons des sorties à Paris, pour découvrir de beaux monuments ou simplement pique-niquer sur le Champ de Mars ; les femmes sont heureuses de découvrir tout cela et nous créons de beaux souvenirs !

Que vivent ces femmes au Rocher ?

Les femmes occupent une place primordiale dans la cité à Bondy, car ce sont elles qui portent les familles. En même temps, elles sont vulnérables et fragiles. Au début, elles ne voulaient pas serrer la main de mon mari, car c’est un homme ; maintenant, elles viennent le voir ! Quand elles arrivent dans les locaux du Rocher, elles sont libres. Un jour, nous avons fait un cours de sport avec une vidéo : il y a des voiles qui ont volé ! Elles se sentent respectées et accueillies avec bienveillance.

Au début, je me disais : « Elles sont tellement différentes de moi... » Maintenant, je vois que nous avons en fait les mêmes besoins : avoir des amies, se détendre, rire, prendre soin de soi, aimer, être aimées ! Propos recueillis par Solange Pinilla

Crédit photo : © Le Rocher Oasis des Cités

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