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Pauvreté : se former pour s'engager


En 2017, Emeric Clair, directeur de l’ONG Fidesco, a lancé un parcours : « La rencontre du pauvre : pourquoi l’option préférentielle pour les pauvres n’est pas une option. » Ce parcours a été proposé lors des sessions d’été de Paray-le-Monial. Entretien.

Zélie : Qu’est-ce qui vous a amené à créer ce parcours ?

Emeric Clair : D’abord, à travers Fidesco, nous sommes témoins de beaucoup de situations de pauvreté, au loin. Comment sensibiliser les personnes qui sont proches de nous ? Ensuite, le discours du pape François – « Les pauvres sont le trésor de l’Eglise » – nous a interpellés : est-ce une sensibilité personnelle de sa part, ou bien plutôt le message universel de l’Eglise ? Enfin en rencontrant les jeunes, nous avons observé que beaucoup se laissent interroger, mais ont des difficultés dans le passage à l’acte.

Quelles sont les étapes de cette formation ?

Ce parcours, qui se déroule sur trois journées, pendant deux heures par jour environ, comporte trois phases. D’abord, on regarde le scandale de la pauvreté : celle-ci est partout et multiforme, de la dame âgée et seule à côté de chez moi, à l’enfant affamé en Afrique. Notre but n’est pas d’éradiquer la pauvreté, ce qui est peu probable, mais de nous engager ! Le service des pauvres n’est pas d’abord une histoire de charité, mais de justice. Nous prenons conscience que servir le pauvre nous permet de rencontrer Jésus crucifié et de nous laisser toucher, de transformer notre cœur de pierre en cœur de chair.

Dans la deuxième partie du parcours, il s’agit de passer du service du pauvre à la rencontre d’un frère. Car il s’agit de deux frères qui se rencontrent, chacun dans leur pauvreté. Charles de Foucauld s’est fait pauvre avec les pauvres dans le désert, afin de les aimer !

Enfin, chacun est invité à s’interroger : quels sont ses talents, ses limites et ses désirs afin de s’engager ? Ainsi, quelqu’un qui ne se sent pas à l’aise avec les personnes porteuses de handicap, ne va peut être pas s’engager auprès d’eux. Il va se demander quels sont les pauvres qui l’entourent, par exemple. Les participants réalisent ces exercices afin d’aller vers une prise de décision. Puis ils sont invités à confier cela pendant l’adoration du Saint-Sacrement.

Quelles difficultés observez-vous dans l’engagement auprès des pauvres ?

Il existe un vrai piège d’entrer dans un « nationalisme de la charité », selon lequel on se demande : « Pourquoi servir le pauvre au loin, alors qu’il y en a un en bas de chez moi ? » Or, on le voit dans Laudato Si et dans Populorum progressio, tout est lié. Il ne s’agit pas d’aider loin ou près, mais loin et près ! Cela peut se traduire de différentes façons : prières, dons ou encore engagement. De même, si je vais au loin, cela ne me libère pas de m’occuper du pauvre qui est proche.

Quand les volontaires Fidesco sont confrontés à la pauvreté dans les pays où ils sont envoyés, quels préjugés tombent ?

En fait, tous les préjugés sautent ! Une volontaire à Madagascar avait aperçu une femme qui mendiait. Elle s’est dit : « Je suis venue pour tel projet, je ne vais pas donner à cette personne, sinon elle va me redemander ensuite. » Un peu plus tard, elle a trouvé cette personne morte devant chez elle...

En fait, il n’y a pas d’attitude toute faite. Nous sommes démunis face à la pauvreté, car à travers elle, nous sommes face au mystère du mal. Devant la souffrance, les raisonnements sautent. On ne peut que se laisser toucher au cœur et se mettre en mouvement. Propos recueillis par Solange Pinilla

Crédit photo (c) Fidesco

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