Femmes chrétiennes en politique
Suite aux appels des papes à s’engager dans la vie politique, au constat qu’une société basée sur la performance ne suffit plus, à des événements comme le déploiement de la Manif pour Tous en 2013, des chrétiens mais aussi des chrétiennes se sont engagés dans des mouvements, des partis, sur les listes électorales. « De nombreux chrétiens prennent conscience de ce que l’engagement en politique est un mode du service du bien commun et une haute expression de la charité du Christ » explique à Zélie le Père Stalla-Bourdillon, aumônier des parlementaires.
« Il faut bien comprendre que la vie politique d’un pays est marquée par la capacité de collaborer entre homme et femme, et par l’aptitude à rechercher la contribution de chacun » affirme-t-il. Cette collaboration entre homme et femme est un enrichissement dont la vie politique bénéficie depuis plusieurs années, avec l’augmentation du nombre de femmes dans la vie politique.
Pour autant, la parité en politique, obligation légale depuis 2000, n’est pas le moyen le plus adapté pour apporter cet équilibre, selon le Père Stalla-Bourdillon : « Même si notre époque peine à admettre la très grande signification de la différenciation sexuelle – par peur d’induire une hiérarchie, là où il y a une différence – il demeure qu’il y a un charisme propre à la femme, une sensibilité, une façon de comprendre, d’exercer l’autorité et de répondre aux défis de l’existence qui ne sont pas nécessairement les mêmes. Notre monde politique n’a pas encore vraiment accepté cette spécificité de chacun des deux sexes. Il s’attache à la parité, ce qui n’est qu’une pratique formelle, et n’a pas encore bien conscience du rôle spécifique et bénéfique de chacun. » Pour Bénédicte Louis, conseillère dans le 5e arrondissement de Lyon, les femmes peuvent, plus que certains hommes parfois déconnectés de la réalité, apporter à l’intérieur des assemblées locales et nationales les préoccupations quotidiennes de l’extérieur.
En août dernier, le débat avait fait rage autour de la question : fallait-il inviter Marion Maréchal-Le Pen (Front national) à l’université d’été catholique à la Sainte-Baume ? Elle y avait d’ailleurs déclaré : « On pense souvent qu’en faisant de la politique on peut s’éloigner de sa vie intérieure. Moi j’ai vécu l’inverse.C’est la politique qui a réactivé ma foi. » Au-delà des itinéraires et des partis, ce dossier de Zélie souhaite inviter à s’engager en se formant et en suivant saconscience. • Solange Pinilla
Michelle Foucault : « Les femmes apportent un certain équilibre au monde politique »
« Regarde ce mouvement, il nous correspond complètement ! » entend Michelle Foucault, permanente syndicale Force ouvrière à La Poste à Paris. C’est un ami qui lui adresse ces mots, un jour de 2011. Ce mouvement, ce sont les Poissons roses, composés majoritairement de chrétiens de gauche. Michelle Foucault, adhère, puis devient secrétaire en 2015 de ce mouvement héritier du personnalisme d’Emmanuel Mounier. « Les réunions sont un bol d’air pur, cela me fait du bien de retrouver des personnes qui souhaitent humaniser la politique » confie-t-elle. Préparant cette année un diplôme de Clinique familiale et pratiques systémiques, Michelle est passionnée par les relations humaines : « Nous vivons dans un monde qui marche sur la tête, où tout est évalué à l’aune de l’argent. Heureusement, desmouvements se lèvent avec une option écologique qui concerne aussi bien la nature que l’être humain : Esprit civique, Sens commun, Nouvelle Donne, les mouvements écologiques... »
Suite à sa conversion à l’âge 33 ans, la vie et le regard de Michelle se sont transformés grâce à la foi. Lorsque la doctrine de l’Église et celle de sa famille politique diffèrent, elle s’emploie « à ne pas juger et à approfondir le sujet. » Sur l’avortement par exemple, elle préfère une démarche de pardon face à « des situations tellement difficiles ». Michelle pense que les femmes peuvent apporter « une parité, un certain équilibre » au monde politique, notamment leur spécificité et l’« expérience d’une vacuité intérieure qui peut alors "contenir" selon le terme utilisé en psychologie, c’est à dire soutenir, porter vers l’avenir tout en rassurant. » •
Catherine Lécuyer : « Il ne s’agit pas d’imaginer changer le monde tout de suite et tout seul, mais bien d’être le sel de la terre. »
Conseillère de Paris et déléguée nationale chez les Républicains, Catherine Lécuyer a, depuis longtemps, une phrase de saint Thomas d’Aquin au-dessus de son bureau : « La politique est la plus haute forme de charité ». Mariée, elle a 8 enfants âgés de 9 à 22 ans.
Vous avez d’abord travaillé dans le privé, qu’est-ce qui vous a menée à l’engagement politique ? Je suis issue d’une famille très enracinée en Bretagne, profondément catholique dans laquelle la « chose politique » a toujours été importante. Quelques parlementaires hauts en couleur ont construit la légende familiale. Fille de militaire, j’ai toujours éprouvé une fierté indicible d’être Française, ainsi qu’une profonde reconnaissance envers tous ceux qui ont donné leur vie pour défendre la France. Je me suis engagée en politique lors des élections municipales de 2008, persuadée que l’engagement politique commence par un engagement local. Ma dernière fille avait alors 1 an et mon organisation à la maison « tournait ».
Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans votre travail de conseillère municipale et conseillère de Paris ? Ces mandats allient à la fois des thématiques locales puisqu’il s’agit de s’exprimer sur tout ce qui fait le quotidien des Parisiens et aussi, et cela a été une surprise, des sujets plus éthiques. Je suis intervenue sur l’école et la mise en place de la réforme des rythmes scolaires à Paris mais aussi les chrétiens d’Orient, la fin de vie, la construction d’un groupe scolaire dans le 8e arrondissement ou encore l’attribution de subventions.
Et comme déléguée chez les Républicains ? Mes responsabilités au sein de la commission exécutive des Républicains me conduisent à travailler des sujets plus thématiques. J’ai réagi par exemple sur la modulation des allocations familiales, l’adoption plénière pour tous, la réforme du congé parental, sujets tellement emblématiques de la volonté manifeste du gouvernement de détricoter notre belle politique familiale.
Quel est le rôle de votre foi dans votre engagement politique ? La foi relève de l’intime. Je suis catholique pratiquante mais je ne brandis pas ma foi comme un étendard. Je ne suis pas la porte-parole de l’Église. Il s’agit de vivre en chrétien plutôt qu’en tant que chrétien. L’engagement politique est source de déconvenues mais aussi de joies. Déconvenue devant le manque de courage et de cohérence de certains, qui affichent des convictions à la maison et se taisent dans l’arène. C’est d’ailleurs un questionnement qui me taraude : comment rester cohérent, c’est à dire rester fidèle à ses convictions et quelle est la conception dominante du courage en politique ? Est-ce se résigner à éviter les sujets tabous aujourd’hui pour éviter de s’exposer à l’opprobre générale, à une certaine marginalisation y compris au sein de sa propre famille politique ? La réalité est qu’il ne s’agit pas d’imaginer changer le monde tout de suite et tout seul mais bien d’être le sel de la terre.
Mon mandat d’élue locale m’apporte de grandes joies et parmi les désillusions et difficultés, quelques belles surprises se sont imposées. Non, le « tous pourris » n’est pas la réalité. La France regorge d’élus de talent, habités par une réelle envie de servir. Je suis très admirative de tous ces élus en particulier les maires, dont les responsabilités sont énormes, pour une reconnaissance quasi nulle, alors que leur rôle est essentiel. Oui, le « pouvoir d’agir » du politique existe, même si sa marge de manoeuvre est réduite, soyons réalistes. Les catholiques ont abandonné pendant des décennies le champ politique et cela a été une erreur. Heureusement, les choses changent.
Vous avez 8 enfants. Quelles sont vos astuces pour concilier vie professionnelle et vie familiale ? La politique n’est pas une activité comme une autre. Elle vous prend tout entière, j’allais dire corps et âme, ce qui explique enpartie la difficulté de rajouter cet engagement lorsqu’on a une famille et une activité professionnelle. Pour une femme, y parvenir relèved’un travail d’équilibriste. Il y a beaucoup de réunions le soir, d’activités le week-end... Il est important que le conjoint soit vraiment partie prenante sous peine de catastrophe.
Pour ma part, j’ai toujours en tête la notion de devoir d’état, c’est-à-dire cette idée qu’il ya des priorités à respecter selon notre état devie afin que l’édifice tienne bon. Mon conjoint et mes enfants sont ma priorité absolue. Si mon engagement politique devait remettre en question l’équilibre de notre famille, je ne le poursuivrais pas. Il s’agit là d’une question de cohérence aussi. Comment se mettre au service des autres si vous négligez les êtres qui vous sont les plus proches. Mes enfants comprennent que mon engagement est important et nous en parlons souvent. Mon organisation est bien rôdée et mon mari très présent grâce à la proximité de son lieu de travail. Sans lui, rien ne serait possible.
Quelles sont les figures politiques qui vous inspirent ? Je n’ai pas à proprement parler de« modèles ». Je ne peux pas néanmoins ne pas citer Jean-Paul II qui a marqué le monde. Je fais partie de la génération Jean-Paul II. J’ai une grande admiration pour Robert Schuman aussi. Je suis avec intérêt le parcours d’Ursula Von Der Leyen qui a su s’imposer dans le paysage politique allemand avec prudence et convictions. •
Raphëlle de Monteynard : « La foi permet le pardon au milieu des tensions du monde politique »
La politique, chez Raphaëlle de Monteynard, est inscrite dans les gènes : son grand-père était conseiller municipal, son oncle est sénateur-maire. La pétillante jeune femme de 30 ans, directrice de la communication de Selectra - un comparateur des fournisseurs d’énergie - est encartée depuis 2011 chez les Républicains (ex-UMP). Elle est engagée dans le mouvement Sens commun, - né à la suite de La Manif pour Tous en 2013 - qui fait aujourd’hui partie des Républicains.
« Pour être élus et faire passer nos idées, nous faisons le pari d’intégrer un grand parti, par souci de réalisme politique, explique-t-elle. Il faut faire des compromis et s’allier avec le moins pire. » Raphaëlle aime à souligner que son engagement s’enracine d’abord dans son quartier, le 14e arrondissement de Paris, où elle a été colistière pour les municipales de 2014 sur la liste de Nathalie Kosciusko-Morizet. Ses thématiques de prédilection sont l’éducation, la liberté d’entreprendre et la famille.« Les femmes peuvent apporter à la politique u npeu de légèreté et de recul ; j’observe que beaucoupd’hommes ont tendance à trop se prendre au sérieux » souligne-t-elle.
Quant à sa foi, elle est primordiale : « Pour un croyant, le but de la politique est de promouvoiret servir le bien commun et par là amener les âmes à Dieu ! La foi permet aussi de pardonner même au milieu des tensions, ainsi que d’aller auxpériphéries, comme nous y appelle le pape. » Pour Raphaëlle, l’accord entre un parti politique et la doctrine sociale de l’Église est impossible à 100% : « Ce n’est pas pour autant qu’il faut adhérer aveuglément à ce que proposele parti ! ». Pour les régionales, elleespère que de nombreux membresde Sens commun intégreront leslistes pour faire passer leurs idées, même si « les têtes de listes ne sont pas parfaites », et elle cite une phrase du pape François deseptembre 2013 : « La politique, c’est sale - mais elle estpeut-être sale parce que les chrétiens ne s’y impliquent pas. » • S.P.
Article paru dans Zélie n°3 (novembre 2015)
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